FictionSeptember 28, 2012 5:50 pm
"Nous sommes tous des chiens de Pavlov" est le livre le plus déprimant que j’aie jamais lu depuis des années. Dès les permières pages, l’auteur annonce son vaste programme: "La liberté n’existe pas !". Le docteur Stefan Offenmensch part d’un principe très simple: chaque effet est obligatoirement précédé par une cause. Bref, rien ne naît de rien. Ce principe s’applique aussi bien aux éruptions volcaniques qu’aux crises de folie chez les humains. D’aucuns diraient: "Elementary, my dear Stefan". Pourtant, si l’on accepte ce principe, le concept de liberté humaine tombe à l’eau ou presque.
D’après ce chercheur allemand, la langue elle-même nous induit en erreur. On croit "choisir un métier", "élire domicile", "tracer sa voie", "prendre son destin en main" etc. En réalité notre marge de manœuvre est extrêmement réduite par rapport aux "déterminants génético-psycho-sociaux" qui constituent notre personnalité.
Parfois on reproche aux alcooliques leur éthylisme, aux joueurs compulsifs leur addiction aux casinos et aux maniaco-dépressifs leur humeur changeante. Offenmensch croit que la marge de manoeuvre des humains est très réduite. Même ceux croient changer de vie, ou même de personnalité, se bercent d’illusions.
L’auteur du livre a suivi plusieurs patients pendant de longues années. Il a, par exemple, remarqué que les ex-alcooliques ne guérissent jamais de leur addiction même s’ils passent le restant de leurs jours sans la moindre goutte d’alcool. Ainsi un patient qui a passé la moitié de sa vie à boire, avant de devenir sobre, décrit sa vie post-alcoolique: "Je vis toujours au bord d’un trou noir ou d’un abysse. Je sais que ne retomberai jamais dans l’alcoolisme mais je souffrirai d’un manque psychologique jusqu’au dernier jour de ma vie. Je me suis comme un patient amputé de l’un de ses membres. Le fantôme du "membre manquant" me hantera toute ma vie. "
Une patiente gay originaire d’un pays arabe, a passé toute sa vie à lutter vainement contre ses penchants saphiques. Ni le mariage ni les nombreuses thérapies ni la prière n’ont réussi à effacer son orientation sexuelle.
Un autre patient du docteur Offenmensch se définit comme "sans orientation sexuelle". Bien que ses organes génitaux soient intacts et tout à fait fonctionnels, il n’est attiré ni par les femmes ni par les hommes. Malgré un mariage "forcé" et aussi une thérapie à vie, il n’a jamais supporté la vie de couple et encore moins le partage de son lit avec une autre personne, fût-elle sa douce moitié.
Quelle relation y a-t-il entre les chiens de Pavlov, qui salivent lorsqu’ils entendent le son d’une cloche annonçant un repas, et les êtres humains ? Stefan Offenmensch a une réponse plutôt convainacante: "Les humains, dès leur bas âge, sont dressés par les parents, la famille, l’école, la société etc. Notre vision du monde ne peut être jamais objective, car elle est toujours priosonnière d’une langue, d’une culture, d’une religion, d’un milieu socio-économique etc. Un Indien végétarien dès sa naissance, né dans une famille végétariene, vomira un repas contenant de la viande bien que la race humaine soit carnivore par excellence. Les escargots sont un met délicieux pour certains et quelque chose de dégoûtant pour d’autres."
Comme par hasard, le 14 septembre dernier, à l’aéroport de Hambourg, je suis tombé sur le numéro 32 du Magazine allemand GEOkompakt (1) dont le titre est " Die SUCHE nach dem ICH " (À la rehcerche du moi ). À la troisième page, l’éditorialiste allemand pose l’éternelle question: " Qui suis-je ? Plus précisément: Pourquoi suis-je ainsi et non autrement ? " La question reste ouverte…
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1) http://www.geo.de/GEO/heftreihen/geokompakt/72803.html