TED@Tunis » Riadh Guerfali (Astrubal): Beware the loss of Internet freedom


Mon intervention sur TED2013

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Campagne pour la liberté d’expression Nawaat/TMG de l’IFEX, 1-15 mai 2012

 


Le visuel utilisé pour l’affichage urbain


 


Spot Raouf Ben Yaghlane et Aziz Lazzem : La liberté d’expression, c’est d’abord une culture !
Le lien direct vers la version HD 1280×720 : http://goo.gl/KfSDX


 


Spot Raouf Ben Yaghlane : La Citation
Le lien direct vers la version HD 1280×720 : http://goo.gl/9rjD7


 

À l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse et en soutien à la libre parole en Tunisie, une campagne publique en faveur de la liberté d’expression est lancée du 1er au 15 mai 2012. Cette campagne est menée par Nawaat et le Groupe d’observation de la Tunisie organisé par l’Échange international de la liberté d’expression (TMG de l’IFEX), une coalition de 21 membres de l’IFEX. Cette campagne est également soutenue par l’Union européenne et Oxfam Novib.

Cette initiative comprend :
- Une campagne d’affichage urbain dans de nombreuses villes tunisiennes ;
- des insertions dans des quotidiens nationaux ;
- des affiches au format A3 ;
- des clips vidéo.

Beaucoup de personnes se sont investies pour faire réussir cette initiative. Nous voudrions particulièrement remercier pour leur générosité Raouf Ben Yaghlane et Mohamed Aziz Lazzem (ainsi que ses parents) qui ont été si patients. Nos remerciements vont également tant à Selim Ellouz et son équipe de la Régie Scom qu’à MIP-Tunisie qui nous ont fourni un service à “prix coûtant”. Sans leur aide, nous n’aurions pas pu couvrir autant d’espace sur le territoire tunisien. Comment ne pas mentionner par ailleurs le dévouement de Néjib Belkadhi et ses collaborateurs, Nabil et Badra, de Propaganda Production, qui nous ont fourni une précieuse aide bénévolement. En cela, toutes les personnes mentionnées ont été de véritables partenaires pour la réussite de cette campagne.

Riadh Guerfali
Directeur du projet
Tunis, le 3 mai 2012
Au nom de Nawaat et en collaboration avec le TMG de l’IFEX

 


Affiche composée des avatars des “tweeples” Tunisiens.
Le visage est celui de Chayma Mehdi de Nawaat

 

La même affiche entre les mains du président de la République.


 

 


Le visuel utilisé pour les insertions dans les quotidiens tunisiens


 

Les insertions dans les quotidiens tunisiens

 

 


Les panneaux d’affichage urbain

 

 


À propos du Groupe d’observation de la Tunisie (TMG de l’IFEX)

Le Groupe d’observation de la Tunisie de l’Échange international de la liberté d’expression (TMG de l’IFEX) est une coalition désormais formée de 21 organisations membres de l’IFEX, un réseau mondial engagé dans la défense de la liberté d’expression. Il a été créé en 2004 pour surveiller les atteintes à la liberté d’expression en Tunisie avant et après le Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) qui s’est tenu à Tunis en novembre 2005.

La campagne publique sur la liberté d’expression conduite par Nawaat et le TMG de l’IFEX s’inscrit dans le cadre d’un vaste projet intitulé « Observation et plaidoyer pour le soutien aux défenseurs des droits de l’homme indépendants en Tunisie », financée par l’Union européenne et Oxfam Novib.

Le blog de Nawaat : http://nawaat.org/

Les pages de TMG de l’Ifex : http://ifex.org/tunisia/tmg/ ou http://www.facebook.com/IFEXTMG et Twitter @IFEXTMG

Les 21 membres du TMG de l’IFEX sont : Le Réseau arabe pour l’information sur les droits de l’homme, Égypte ; ARTICLE 19, Campagne mondiale sur la libre expression ; Bahrain Center for Human Rights ; Cairo Institute for Human Rights Studies, Égypte ; Canadian Journalists for Free Expression ; Cartoonists Rights Network International ; Egyptian Organisation for Human Rights ; Freedom House ; Index on Censorship, Royaume-Uni ; Fédération Internationale des Journalistes; International Federation of Library Association and Institutions ; Comité des écrivains en prison du PEN international, Royaume-Uni ; International Press Institute, Autriche ; Union internationale des éditeurs, Suisse ; Journaliste en Danger, République démocratique du Congo ; Maharat Foundation, Liban ; Media Institute of Southern Africa, Namibie ; Norwegian PEN ; Association mondiale des radiodiffuseurs communautaires; Association mondiale des journaux et des éditeurs de médias d’information, France ; World Press Freedom Committee, États-Unis.

 



 





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Le désastre judiciaire tunisien saurait-il être évité : liberté d’expression et nouvelles technologies de l’information

internet filtering censorship Hitler SOPA PIPA HADOPI DEA

Avec le « Printemps arabe », les médias n’ont jamais autant parlé de « Révolution Twitter » et « Révolution Facebook ». En apparence, en effet, Twitter, Facebook ainsi que d’autres réseaux sociaux ont joué un rôle majeur dans l’accélération de l’Histoire ; tant ils ont servi à relayer efficacement l’information.

Attribuer le crédit, nommément, à certains réseaux sociaux dans cette accélération de l’Histoire est une appréciation tronquée. Celle-ci occulte la quintessence même de la révolution médiatique qu’a permise cette part difficilement contrôlable d’internet (I). Et sans une vigilance accrue face à cet aspect d’internet, l’on est en droit de s’interroger aujourd’hui si l’âge d’or de la liberté d’expression n’est pas derrière nous (II).

I.— Cette part difficilement contrôlable d’internet…

Twitter, Facebook, YouTube, etc. n’ont été en réalité que des outils interchangeables que va permettre, non pas l’internet tout court, mais cette part difficilement contrôlable, à ce jour, du réseau internet. Il n’y aurait pas eu Twitter et Facebook, d’autres outils pour partager l’information online auraient été utilisés. En revanche, l’Histoire n’aurait définitivement pas été accélérée, si nous n’avions pas eu ce substrat non contrôlé sur lequel se sont greffés de tels outils de partage de l’information. C’est à cette part incontrôlée d’internet que revient le véritable crédit de cette accélération de l’Histoire.

Il convient également d’observer que si l’apport de cette technologie est inédit dans l’histoire de l’humanité quant à la célérité de la propagation de l’information qu’elle va permettre, son apport en terme d’émancipation des idées hors de l’emprise des puissants ne l’est pas.

Pour rappel, avant Gutenberg, le processus de reproduction de la pensée humaine était d’une telle lourdeur et d’un tel coût qu’il était aisé pour les gouvernants et les institutions religieuses d’en contrôler la diffusion avec plus ou moins de succès. La mutation radicale que va permettre la « nouvelle technologie » de l’imprimerie n’est pas tant issue de la multiplication exponentielle de l’écrit qu’elle va engendrer, mais plutôt par sa capacité, se faisant, à rendre ces écrits difficilement contrôlables par lesdits puissants. A pied, à dos d’âne ou en carriole, « l’imprimé » sera à la base d’une transformation radicale de la civilisation humaine initiée à la fin du XVe siècle. Et avec le développement des voies de communication terrestres, maritimes et fluviales, le chamboulement sera total, notamment et surtout en Europe, y compris par la rapidité de sa propagation. Le « Printemps arabe » de 2011 n’est qu’une forme de répétition du « Printemps des peuples » de 1848 avec ses moult Révolutions en France, Autriche, Allemagne, Hongrie, Pologne, Italie, Roumanie, etc. La circulation de l’écrit « insolent » tant à l’intérieure des pays, qu’entre les nations (européennes), et ce, du fait de la porosité des frontières de l’époque (sans commune mesure avec celles d’aujourd’hui) ne se reproduira qu’avec l’invention de l’Internet.

Cependant, voir systématiquement dans toute nouvelle technologie de l’information un nouveau vecteur pour l’émancipation de la liberté de pensée serait naïf. Et pour cause, les exemples inverses sont plutôt légions. Les technologies de l’information inventées lors de la 1re moitié du 20e siècle ont aussi servi de vecteurs aux pires infamies.

Tout comme l’ère qui précéda l’invention de l’imprimerie, ère caractérisée par la capacité des gouvernants à contrôler facilement « l’écrit », les nouveaux moyens d’information de la 1re moitié du 20e siècle (radio, télé, cinéma, phonographe, etc.) étaient d’un tel coût et d’une telle mise en œuvre, qu’il était facile pour l’Etat de se les accaparer ou, à défaut, d’en contrôler strictement le déploiement. Et pour peu qu’un psychopathe accède aux gouvernes d’un tel Etat pour que l’on se retrouve avec une ignoble dictature à la Hitler, Mussolini, Franco, Staline ou celle des colonels. La fine pointe des nouvelles technologies de l’information de l’époque a aussi servi à la plus vile des propagandes et des manipulations de masse. Ces nouvelles technologies ont même permis de haranguer les foules afin de dresser les bûchés pour y brûler livres, parchemins et œuvres d’art … pour « préserver les valeurs morales » et protéger la société contre la « décadence ».

Ce qui a permis à ces dictateurs de sévir, c’est aussi leur capacité à maîtriser et contrôler strictement les nouvelles technologies d’information et de communication de leur temps. De par la lourdeur de leur déploiement de l’époque, ces nouveaux moyens ne recelaient pas -ou si peu- de ce potentiel qui les aurait laissés, en partie, hors d’un contrôle strict des gouvernants.

Il faut admettre également que les prétendants au despotisme du siècle dernier avaient suffisamment de recul, depuis l’invention de l’imprimerie, pour assimiler les capacités antidespotiques d’une presse écrite non totalement inféodée. Ils se sont servis, dans un premier temps, de cette presse pour balayer et renverser des régimes. Mais sitôt au pouvoir, par des lois scélérates successives, et non sans une forme de passivité des opinions publiques d’alors, plutôt rurales en majorité, ont fini par bâillonner la presse écrite tout en s’appropriant le contrôle total des nouveaux moyens d’information.

Il faudra attendre la fin des années 1980 et le début des années 1990 pour que la nouvelle technologie de l’internet – bien plus que les chaînes satellitaires- réhabilite cette part difficilement contrôlable de la circulation de l’information ignorant les frontières. Les historiens et les sociologues ne finiront pas d’analyser durant les siècles à venir ces deux décennies exaltantes qui ont chamboulé l’univers médiatique de l’humanité. Et il s’agit bien d’affirmer « difficilement contrôlable » et non pas totalement incontrôlable. La nature même du fonctionnement technique d’internet permet, du jour au lendemain, de le verrouiller totalement. Il n’y a qu’à voir ce qui se passe en Corée du Nord ou à Cuba !

Ainsi, et dans le reste du monde, cette liberté difficilement contrôlable que permet l’internet n’est nullement inscrite dans le marbre. Elle est plutôt due à la grande rapidité de son déploiement, dépassant les capacités réactives des gouvernants. Lesquels, dans leur ensemble et dans les démocraties modernes, parvenaient plus ou moins à s’en accommoder. Mais cet état de fait va-t-il vraiment perdurer ?

II.— L’âge d’or de la liberté d’expression est-il derrière nous ?

Les expériences du nazisme, fascisme ainsi que les divers despotismes qui ont martyrisé les peuples ont servi de socle à une conception des libertés fondamentales qui ne voulait plus transiger avec les garanties judiciaires qui leur donnent du sens et les matérialisent. Du moins, jusqu’à tout récemment, les garanties judiciaires protégeant la liberté d’expression, bien qu’imparfaites, parvenaient plus ou moins à jouer leurs rôles dans le monde occidental.

Cependant, avec le temps les mémoires collectives s’érodent. Devenant ainsi plus fragiles à l’égard des assauts des conservatismes moralistes et des multinationales des droits d’auteurs. De tels lobbies sont parvenus à marquer des points importants, sacrifiant au passage les impératifs inhérents à la protection, entre autres, de la liberté d’expression sur internet. L’objectif est de réduire cette part difficilement contrôlable de l’internet quitte à sacrifier les garanties fondamentales. Les lois à l’instar de la SOPA (us), PIPA (us), Hadopi (fr), DEA (GB), Sinde (es.), ACTA (int.) etc. n’incitent guère à l’optimiste.

Pour l’instant, une forme de résistance existe. Celle des « hautes cours » qui essayent tant bien que mal de limiter les dégâts, tels le Conseil constitutionnel français, la Cour de cassation, le Conseil d’Etat, la Cour suprême US, mais également la Cour européenne des droits de l’Homme ou la Cour de justice de l’Union européenne. Cette dernière, au demeurant, vient d’infliger, en filigrane, un camouflé cinglant à l’ACTA. Dans son arrêt du 16 février 2012 (Sabam c./ Netlog Nv) la Cour condamne le filtrage généralisée des données en ce qu’il a d’attentatoire, entre autres, aux garanties fondamentales des citoyens.

Et en Tunisie, où en sommes-nous ?

Si l’internet fut totalement libéré dès le 13 janvier 2010 au soir, aujourd’hui il est sous une grave menace de filtrage arbitraire sous le prétexte de circonscrire ce qui porte atteinte à la morale publique ou agresse nos enfants. Un jugement en référé a intimé l’ordre à l’ATI d’effectuer ce filtrage. Le jugement confirmé en appel le 13 juin 2011 est actuellement en cassation. Les juges de la cassation se prononceront le 22 février 2012.

Pourtant, y compris en Tunisie, et parce que le droit d’accès à l’information relève des libertés fondamentales, toute restriction à ce droit -pour quelque cause “légitime” que ce soit- ne peut relever que d’une autorité judiciaire compétente. Cette autorité étant elle-même soumise à un autre principe fondamental qu’est le respect de la procédure contradictoire.

Or, toute décision judiciaire qui conférerait, en bloc, le filtrage de l’internet à une quelconque administration se retrouverait en situation de déléguer la compétence judiciaire à ladite administration. Cette délégation de la compétence judiciaire est une grave violation vis-à-vis du principe de la séparation des pouvoirs tout comme des dispositions des instruments internationaux relatifs à la protection du droit fondamental d’accès à l’information. Par ailleurs, si les tribunaux exercent cette compétence judiciaire, c’est en vertu des dispositions de la Constitution. Celle-ci est la source de ce pouvoir et la seule habilitée à conférer son exercice. Cela signifie qu’aucun tribunal ne peut sous-déléguer cette compétence. Les tribunaux l’exercent, mais n’en disposent pas à leur guise. Et la phase transitoire que vit actuellement la Tunisie sur la plan institutionnel n’est nullement censée remettre en cause cette logique de fonctionnement de l’institution judicaire.

D’où il suit, seuls les tribunaux sont compétents pour prononcer des blocages de pages internet pour protéger des « intérêts légitimes », et ce, jamais en bloc, mais au cas par cas. Ceci tout en respectant la procédure contradictoire et les garanties relatives aux droits de recours à l’encontre de chaque décision prononcée (cf. entre autres art. 8 et 19 de la DUDH). Autrement, l’on se retrouverait (pour le filtrage en bloc) devant une mesure gravement attentatoire aux libertés puisque le censeur agirait au gré de ses humeurs sans possibilité de recours par la suite. Faut-il rappeler qu’une page bloquée devient par définition inaccessible sans manipulations expertes ; d’où l’impossibilité d’en apprécier le contenu pour former un recours.

Nul doute que la protection de nos enfants et la lutte contre le crime de pédophilie nécessitent tous les efforts. Néanmoins, sacrifier l’internet ne nous avancera pas sur ce front, bien au contraire. De même, l’alibi de la préservation de la morale et la protection, sous d’autres cieux, des droits d’auteurs semblent être le principal cheval de bataille de ceux qui sont prêts à tout sacrifier pour peu qu’ils arrivent à imposer leurs intérêts tout comme leur vision du monde.

D’une part, nul besoin de conférer le filtrage d’internet à une police pour protéger nos enfants. Des logiciels parentaux existent pour cela. De même, demander à un F.S.I de fournir un internet filtré en tant que service payant auquel on adhère librement est autrement plus raisonnable que de sacrifier les libertés sur internet.

D’autre part, quant à la question de la préservation de la morale publique, nous considérons que le fait de déléguer le contrôle des libertés fondamentales à l’arbitraire de l’administration en prétendant résoudre la décadence morale, incarne, en soi, un acte bien plus décadent. C’est ce que, au passage, l’opinion publique tunisienne semblait pourtant penser du temps de la censure de Ben Ali. Par ailleurs, il convient de rappeler que l’histoire des dictatures démontre que celles-ci s’installent toujours avec la complicité de ceux qui sont prêts à tout sacrifier pour lutter contre la décadence morale. Tous les dictateurs, sans exception, ont toujours été si friands des discours relatifs à la décadence morale !

Ne pas réaliser que la démocratie est illusoire sans la culture de l’acceptation inévitable d’un seuil minimum de décadence -décadence à tort ou à raison- des mœurs d’autrui, c’est aller droit dans le mur. Parce que les individus ont des morales à géométrie variable, il n’y a de choix qu’entre l’acceptation de la décadence subjective des uns ou la dictature de la morale des autres. Pour notre part, nous avons opté depuis longtemps pour la première alternative.

Enfin, et contrairement à F. Fukuyama, nous ne pensons pas que la Démocratie incarne la fin de l’histoire. Nous avons plutôt tendance à croire qu’elle est plutôt condamnée en permanence à se brûler les ailes pour se ressusciter de ses cendres tel un nouveau phœnix. Et parce que probablement la tyrannie reviendra un jour, tâchons alors de faire en sorte que cela soit le plus tard possible. Et nul doute que ce jour-là, le premier indicateur qui l’annoncera sera le verrouillage de l’internet. Entre temps, les dépositaires que nous sommes de cet internet malmené depuis peu, le moins que l’on puisse faire, c’est de ne ménager aucun effort afin de le transmettre à nos enfants, au moins, aussi libre que nous l’avons pratiqué. Il en va de l’avenir de nos enfants… Et c’est aussi en cela que la décision de la Cour de cassation dans l’affaire du filtrage par l’ATI aura une incidence capitale. La démocratie est certes un combat quotidien des citoyens contre le retour du despotisme. Mais sans la protection du pouvoir judicaire, gardien de nos libertés fondamentales, le combat sera vite perdu !

Riadh Guerfali (Astrubal), Tunis, le 20 février 2012
Twitter : @astrubaal
Docteur en droit Public
Enseignant Universitaire
Co-administrateur de Nawaat

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« L’Islam religion d’État », disposition constitutionnelle garante du processus séculariste de la démocratie tunisienne

 

NOTICE
Automatic translations disfigure the entire content of this article. The nuance between the french concept of “Iaïcité” and “secuIarism” is totally ignored. Hence, the whole paper become meaningless when automatically translated from french to any other language.

 

Principes republicains

 

Depuis le 14 janvier, les Tunisiens n’ont probablement jamais autant parlé aussi librement des rapports du religieux au politique sans craindre la répression. Depuis 52 ans, la disposition de l’article 1er de la Constitution tunisienne relative à l’Islam en tant que « religion d’État » n’a jamais fait l’objet d’autant de débats au sein des media tunisiens. Les Tunisiens passent enfin à la clarification du sens et de la portée de l’une des dispositions constitutionnelles les plus symboliques tant pour ses détracteurs que pour ses partisans.

A vrai dire, sur Nawaat.org, ce débat a eu lieu depuis de nombreuses années déjà. Parfois enflammé entre les tenants d’un État « laïc » -les guillemets s’imposent, j’y reviendrai- et les tenants de l’article 1er de la Constitution. Et force est de constater que par les échanges, la raison parvenait souvent à l’emporter. Ce débat, hélas ayant été de ceux non autorisés par le despotisme de Ben Ali, fut demeuré confiné aux espaces où il avait lieu.

Eu égard au titre qui annonce déjà le choix qui sera défendu au sein de cet essai, inutile de dire que depuis des années nous plaidons sur Nawaat le caractère impératif du maintien de l’article premier, c’est-à-dire le maintien du caractère non–laïc de la Tunisie, cependant au profit d’un État fermement sécularisé. Et comme nos lecteurs ont dû le remarquer, les pages de Nawaat ont toujours été également ouvertes y compris pour les thèses inverses.

L’objet de cet article est de revenir sur ce débat afin de contribuer, d’une part, à clarifier de nouveau certaines notions et à démontrer, d’autre part, les maladresses à la fois politique, institutionnelle et historique des thèses qui œuvrent pour une séparation totale entre l’État et la religion dans le contexte tunisien.

En effet, dans ce contexte, généralisable d’ailleurs à d’autres pays arabes, la grande erreur serait de croire qu’en évacuant la question de l’Islam de la Constitution l’on renforcerait le processus de sécularisation, et ce, via une laïcisation à la française. Or, c’est tout l’inverse qui se produirait, c’est-à-dire l’abandon de l’appareil d’État à la surenchère du religieux. Le choix devant lequel la Tunisie est confrontée est le suivant : Ou bien l’on se positionne dans le cadre d’un État qui s’approprie la religion tout en œuvrant à promouvoir et à garantir le processus de sécularisation, ou, inversement, on joue à l’apprenti sorcier (et non moins laïc) en offrant la meilleure passerelle pour que la religion finisse par s’approprier l’État. Et nous n’insisterons jamais assez sur le fait que la logique des rapports État/Religion, tant en Tunisie que dans le reste du monde arabe, aboutit inéluctablement à ce que l’un finisse toujours par contrôler l’autre. Et la séparation totale entre la religion et l’État, en engendrant la perte de contrôle de la religion par ledit État, conduirait à ce que les mosquées et les imams finissent par contrôler l’appareil d’État. Dans le contexte tunisien, l’article 1er incarne une garantie de la primauté du politique sur le religieux. Inversement, sa suppression mènerait à la primauté du religieux sur le politique.

En conservant le lien organique entre l’État et la religion pour garantir le processus de sécularisation, la Tunisie ne fera qu’imiter, à juste titre, les pays démocratiques ayant réussi leur marche vers la sécularisation. Aussi, articulerons-nous notre démonstration sur le fait que la laïcité n’est point une panacée. De nombreux exemples révèlent que le lien organique est non seulement possible au sein d’une démocratie politique, mais incarne également une condition pour garantir la viabilité de la démocratie (I). Par ailleurs, on verra que ce qui pose problème en soi, ce n’est pas tant ce lien organique, mais les ambiguïtés dont il recèle (II) et, qu’au fond, le vrai enjeu démocratique réside ailleurs, c’est-à-dire au niveau des mécanismes qui vont garantir les libertés fondamentales et l’État de droit. Des mécanismes pour lesquels aucune concession ne devrait être tolérée. Dès lors, la disposition constitutionnelle “Islam religion d’État” doit se juxtaposer à ces mécanismes pour les reconnaître et garantir leur compatibilité et non point pour les défaire. D’autant plus que des approches à la logique analogue ont remarquablement bien réussi.

 

I.— Les plus grandes démocraties de la planète n’ont jamais été laïques, mais sécularisées.

Pour éviter tout malentendu, il est utile de revenir sur le sens de certains termes (A). Ceci permettra de mieux appréhender les réussites des processus de sécularisation optant pour une démarche non-laïque (B)

 

A.— Retour sur la définition de la laïcité et de la Sécularisation

La laïcité, bien qu’elle incarne un concept politique récurrent dans le monde francophone, demeure pourtant, du point de vue de son application, un phénomène exceptionnel dans le monde. La laïcité a été et demeure un exemple singulièrement français. Cette laïcité française incarne de nos jours le principal socle républicain sur lequel sont bâtis les équilibres sociaux et politiques français. Ceci, à telle enseigne, que toute atteinte à cette laïcité est susceptible de porter gravement atteinte à la démocratie française. Cette laïcité s’est historiquement imposée comme le principal mécanisme qui a permis la pacification politique du régime républicain. Loin d’être une improvisation, elle fut le produit d’un long cheminement endogène sur près d’un siècle. Depuis 1801, date du Concordat qui mit l’Église sous tutelle de l’État, ce parcours a été ponctué par de nombreuses lois, surtout sous la Troisième République, qui ont affirmé la séparation de l’Église et de l’État. Parmi ces lois mentionnons celle de Jules Ferry du 26 mars 1882, dissociant l’école publique de l’enseignement religieux ; la loi Gobelet de 1886, portant sur la laïcité du corps enseignant des écoles publiques et, enfin, la loi du 9 décembre 1905 qui parachève au sein de son article 2 ce parcours en disposant que « la République ne reconnaît, ni ne salarie, ni ne subventionne aucun culte ». La République, qui assure la liberté de conscience, garantit le libre exercice du culte sous les seules restrictions inhérentes à l’ordre public (1). Et au-delà des textes y compris constitutionnels, ce cheminement laïc sera également renforcé par un important édifice jurisprudentiel sans cesse déterminant ses contours.

Dès lors et au regard de ce contexte d’origine française, nous pouvons synthétiser une définition fonctionnelle de cette laïcité comme étant : l’absence de toute référence religieuse du sein des éléments de légitimation de l’ordre juridico‑politique, matérialisée par une séparation totale de l’église et de l’État, laquelle est assurée par une privatisation intégrale de toutes les institutions religieuses (2).

Toute autre définition de la laïcité qui négligerait la présence ou l’absence d’un quelconque lien entre l’État et la religion, deviendrait, selon nous, inopérante. Car n’est plus à même de rendre compte de la place (ou la non–place d’ailleurs) de la religion dans les rouages institutionnels. Affirmer, par exemple, que la Turquie est un État laïc est un contre-sens. La Turquie, au regard de la définition proposée, n’a jamais été laïque. Ceci du fait de l’imbrication entre l’État et la religion au travers de l’administration de la « DIYANET ». Cette dernière gère le corps des 70 000 Imams. Elle contrôle leurs prêches et verse leurs salaires sur le budget du contribuable. En outre, quand l’État génère un discours religieux au sein des programmes scolaires, lequel programme fait l’objet d’enseignements religieux obligatoires dans les écoles publiques, on sort du cadre de la neutralité religieuse de l’État. La disposition constitutionnelle de l’article 2 affirmant que « La République de Turquie est un État de droit [entre autres] laïque » ne signifie plus grand–chose. Du reste, si l’on compare le degré de sécularisation de l’État turc avec celui des pays scandinaves – pourtant consacrant constitutionnellement une religion officielle d’État (cf. infra)- le terme laïcité se vide de son sens.

En revanche,  dès que l’on sort du contexte de la séparation stricte entre la religion et l’État, il devient plus judicieux de parler, quand c’est le cas, de processus de sécularisation. C’est-à-dire de ce cheminement qui permet de libérer l’espace public de l’emprise religieuse. Ce faisant, on renforce les valeurs citoyennes qui sont, par nature,  communes à tous les citoyens. Cette désacralisation de la sphère publique qui met en avant la culture commune citoyenne, dans le respect des croyances de chacun, devient le gage social du « vivre ensemble ». La liberté de conscience comme le reste des libertés fondamentales sont destinées à acquérir une place qui surplombe, dans la sphère publique, les croyances religieuses de chacun. Du reste, le premier bénéficiaire de cette sécularisation, c’est sans doute aussi le croyant qui n’a plus à subir la pression de ceux qui désirent lui imposer sa foi. Cette rationalisation des rapports entre les citoyens tout comme des valeurs sociales communes devient la condition sine qua non de la viabilité du contrat social démocratique, sans lequel l’État moderne n’est qu’une illusion dans sa modernité politique.

Indiscutablement, la laïcité tout comme la sécularisation se recoupent pleinement au niveau de leur objectif. Mais ce qui les distingue, c’est le moyen adopté par chacune des démarches. Loin d’être un banal détail de forme, cette distinction est capitale. Si la démarche laïque opte pour une rupture totale entre l’État et la religion, le sécularisme se caractérise, en revanche, par l’affirmation de ce lien pour réussir son projet.

En effet, et tel que nous avons eu l’occasion souvent de le rappeler depuis près de deux décennies (3), de très nombreuses démocraties occidentales sont loin du schéma laïc. Or, une certaine « élite laïciste » tunisienne, et non moins francophone, néglige -non sans maladresse- le fait que la France est entourée d’Etats qui ne sont pas laïcs et qui ne sont pas pour autant moins démocratiques. C’est même fréquemment l’inverse. Il ne s’agit pas ici de dénigrer la laïcité française, puisque dans le contexte français nous y adhérons totalement. Il s’agit plutôt de relever que la démocratisation dans le contexte Tunisien n’a de chance de réussir, pour un pays à plus de 95% de musulmans, qu’en s’inspirant d’une façon endogène de la lucidité du modèle démocratique séculariste plutôt que laïc.

 

B.— Les réussites des processus de sécularisation sans la laïcité

Loin d’être une panacée, la laïcité a certainement réussi son pari en France, et ce, non sans avoir traversé des étapes parfois douloureuses. Cependant, d’autres démarches qui n’ont pas opté pour cette séparation totale entre la religion et l’État n’ont pas moins réussi à fonder des démocraties politiques modernes. Au sein de ces démocraties occidentales, moult dispositions constitutionnelles rattachent l’État au religieux. La Constitution irlandaise rédigée « au nom de la Sainte Trinité dont dérive toute puissance et à qui il faut rapporter, comme à notre but suprême, toutes les actions des hommes et des États […] » précise dans son article 44 que l’Irlande « reconnaît que l’hommage de l’adoration publique est dû au Dieu Tout–Puissant. Il révérera Son Nom ; il respectera et honorera la religion ». La Constitution hellène dispose en son article 3 que « la religion dominante en Grèce est celle de l’Église orthodoxe du Christ […] ». Aussi, avant d’entrer en fonction, les députés prêtent–ils serment « au nom de la Trinité Sainte consubstantielle et indivisible […] » ( art. 59 ) (4). Le Danemark proclame dans l’article 4 de sa Constitution que « l’Église Évangélique luthérienne est l’Église nationale danoise et jouit, comme telle, du soutien de l’État ». Quant aux autres églises, elles relèvent du statut des « Églises dissidentes » (5). La situation est à peu près similaire en Finlande (6) et en Suède (cf. infra). En Angleterre, et bien que le principe de la séparation de l’Église et de l’État soit toujours à l’ordre du jour, la confusion du pouvoir spirituel et temporel est encore de mise. La reine d’Angleterre cumule sa fonction royale avec celle de Chef de l’Église anglicane. Et à ce titre, le monarque anglais reçoit le serment d’allégeance des évêques anglicans (7). En République fédérale d’Allemagne, les citoyens sont soumis à un impôt religieux dont il est très difficile de se soustraire. Enfin, du côté nord-américain, « l’ordonnancement juridique canadien […] établit comme fondement du Canada “ La suprématie de Dieu et la primauté du droit ” » (8). Aux États-Unis d’Amérique c’est la devise même de l’État fédéral qui rappelle sur chaque dollar en circulation sur la planète qu’« en Dieu [ils] ont foi » [In God we trust(9). Et c’est sur la Bible que le président américain prête serment avant de s’installer à la Maison blanche. Mais, c’est surtout dans les textes constitutionnels des États fédérés que nous trouvons les nombreuses références à une divinité suprême. Au Massachusetts, par exemple, on lit dans le préambule de la Constitution : « Nous, peuple du Massachusetts, nous reconnaissons, et nos cœurs sont pénétrés du sentiment de la plus vive gratitude, nous reconnaissons la bonté du Législateur Suprême de l’Univers, qui, par une suite de décrets de sa providence, nous procure l’occasion de […] former une Constitution » ; et, dans l’article trois de la Constitution, il est précisé : «  […] le bonheur d’un peuple, le bon ordre et la conservation du gouvernement civil dépendent essentiellement de la piété, de la Religion et des bonnes mœurs, qui ne peuvent se répandre parmi tout un peuple, que par l’institution d’un culte public de la Divinité […] » (10).

Bien que les pays mentionnés ci–dessus ne soient pas des modèles parfaits de démocratie, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils comptent parmi les pays où l’on relève le moins d’entorses aux règles démocratiques. Par ailleurs, s’il ne s’agit pas de pays laïcs, au sens français du concept, nous devons admettre qu’il s’agit là, assurément, de nations qui ont atteint un haut degré de sécularisation de leurs institutions. En d’autres termes, la reconnaissance d’un fondement religieux de l’État n’a pas représenté un obstacle à l’affranchissement du pouvoir civil de l’emprise du religieux (11). Et en ce sens, d’une part, les références religieuses ne confèrent plus aucun droit particulier à une autorité spirituelle d’exercer le pouvoir politique et, d’autre part, la sécrétion du droit n’est plus soumise, sous réserve des cas irlandais et grecs, aux arguments d’autorité religieuse. La nature institutionnelle de l’État et les caractères du droit produit conservent leur essence civile. Par ailleurs, les éléments religieux du discours de légitimation de l’ordre constitutionnel n’ont pas empêché le développement de tout un arsenal de mesures juridiques qui garantissent les libertés et droits fondamentaux des citoyens sans discrimination tenant à la religion ou à la race. Et il est indéniable que la liberté de conscience comme le reste des libertés fondamentales ont acquis une place qui surplombe, dans la sphère publique, les croyances religieuses de chacun. Ainsi, en s’appropriant la religion, on garde un contrôle plus ou moins étroit sur le champs religieux afin qu’il ne contrevienne pas au projet démocratique.

Et pour cause… si on examine aujourd’hui le haut du classement des pays les plus démocratiques de la planète selon le « Democracy Index » de 2010 (12), les quatre premières places sont occupées par des pays où la religion d’État est officiellement proclamée ; soit : 1) la Norvège, 2) l’Islande, 3) le Danemark et 4) la Suède. A ce titre, l’article 2 de la Constitution norvégienne énonce que « la religion évangélique luthérienne demeure la religion officielle de l’État ». L’article 62 de la Constitution islandaise dispose que « l’Église évangélique luthérienne est l’Eglise d’État en Islande et, en tant que telle, elle doit être soutenue et protégée par l’État. ». L’article 4 de la Constitution danoise proclame que « l’Église Évangélique luthérienne est l’Église nationale danoise et jouit, comme telle, du soutien de l’État ». Quant à la Suède, et malgré l’entrée en vigueur - le 1er janvier 2000 — des dispositions relatives à la séparation de l’église officielle, cette séparation demeure pourtant formelle, puisque l’Eglise de Suède continue à être subventionnée par l’État tout en bénéficiant officiellement de son soutien.

Par ailleurs, quand on voit la composition du parlement français, pays laïc par excellence et celle des parlements des 4 pays mentionnés,  le moins que l’on puisse dire, c’est que la laïcité du pays classé 31e dans le même tableau n’a pas été d’un grand secours au niveau de la participation des femmes dans la vie politique. Et on peut en dire autant que ce soit pour la composition des gouvernements, des assemblées locales ou de la composition des directions des partis politiques. De même, le classement du tableau de l’indice de développement humain est tout aussi éloquent, puisque sur les 5 premières places, nous retrouvons la Norvège, l’Irlande, le Canada et l’Islande (13).

Eu égard aux exemples mentionnés, il est manifeste que, du point de vue du principe, religion, développement humain et démocratie ne sont pas incompatibles. Cependant, si le principe des références constitutionnelles à la religion n’est pas critiquable en soi, ce qui peut l’être, en revanche, c’est la portée ambiguë qu’il est susceptible d’avoir, a fortiori, lorsque le processus de sécularisation demeure encore jeune.

 

II.— Une révolution démocratique, c’est aussi des remises à plat pour clarifier des ambiguïtés.

Dans l’introduction, la première mention du terme « laïc », le fut entre guillemets. Ces guillemets se justifiaient par le fait que pour nombre de Tunisiens, le terme laïcité est utilisé maladroitement dans le sens de la sécularisation. Hormis les tenants de la suppression de l’article 1er de la Constitution, nous avons aussi relevé lors des nos échanges avec les Tunisiens, que la plupart de ces derniers qui souhaitent une Tunisie « laïque », aspirent, en réalité, à une Tunisie sécularisée. Non sans lucidité, ils ne semblent pas souhaiter le rejet de la mention de « l’Islam religion d’État », mais désirent plutôt des garanties au niveau du processus de sécularisation dudit État, tout en levant les ambiguïtés.

 

A.— Les ambiguïtés et les craintes

En Tunisie, comme dans d’autres pays arabes, les difficultés relatives à la cohabitation entre la démocratie et la religion ont surtout été le fait de l’absence d’une portée claire des références religieuses. Contrairement aux pays occidentaux décrits plus haut, la mention de la religion officielle de l’État n’a jamais eu véritablement de contenu précis et la place que la Constitution réserve à l’Islam a toujours été difficile à interpréter : Est–ce un ré-enracinement de l’État dans une tradition islamique même rénovée ou s’agit–il simplement d’affirmer la fidélité symbolique de la nation à l’Islam ? (14). Les avis ont toujours été partagés. Et faute de débat public sur cette question depuis les 50 dernières années, le consensus est demeuré illusoire. Un consensus aussi éloigné que le fut la résolution des incohérences du droit, lequel droit tantôt reconnaît la liberté de conscience, tantôt réprime l’apostasie. Par ailleurs, cette absence d’une portée claire des références religieuses, conjuguée à une orientation relativement arbitraire des politiques législatives, n’a jamais rassuré quant au champ ouvert qu’elle laissait à tous les dérapages propres aux « aventuriers », fussent–ils laïcistes ou cléricaux.

A cet égard, même H. Bourguiba qui fut pourtant l’un des chefs d’État arabes qui a le plus œuvré en faveur du désengagement de l’institution étatique de l’emprise religieuse, n’a pas hésité, lui aussi, à manier les symboles religieux pour raffermir l’autorité de l’État. Il n’a pas manqué, non plus, de justifier ses conceptions politiques par la tradition musulmane. Son habileté politique —ou faut‑il écrire sa maladresse— l’a même poussé, afin de disqualifier le pouvoir des Uléma, à couvrir le pouvoir présidentiel républicain par la théorie musulmane de droit public. Il n’a pas boudé l’idée qui tend à assimiler l’autorité du président de la République à celle de l’Imam. « L’Islam —se plaisait–il à affirmer— est un tout où le temporel et le spirituel ne sauraient être dissociés. L’un comme l’autre sont de la compétence des chefs d’État. Les enseignements qui nous sont donnés tant par la tradition prophétique que par l’action des premiers Califes, indiquent clairement que l’Imam, ou chef suprême, est seul qualifié pour connaître des affaires de l’Islam et seul compétent pour se prononcer sur les grandes options desquelles dépendent l’invulnérabilité de l’État et le destin de l’Islam, en tant que régime politique et social ». « Les questions relatives a l’Islam et à la vie des musulmans —conclut–il— ne sont donc pas du ressort exclusif des Uléma. L’Islam ne connaît pas d’église distincte de l’autorité politique » (15).

Son successeur Ben Ali, n’a pas manqué, à peine accédant au pouvoir de multiplier les références religieuses ainsi que les actions en faveur d’une affirmation plus nette du caractère musulman de l’État tunisien (16), à commencer par l’introduction de l’appel à la prière sur les ondes de la radio et télévision nationales. Mais, sitôt son pouvoir raffermi à la tête de l’État, il deviendra le plus grand tortionnaire de l’islamisme politique tunisien. Durant ces 50 dernières années, toute l’ambiguïté a résidé dans le fait que d’un côté on prétendait désengager les structures de l’État de l’emprise religieuse et, de l’autre, on rivalisait d’ingéniosité pour octroyer une base religieuse de légitimation, à la fois, à l’État et à ses orientations politiques. Ce qui n’arrangeait également guère les choses, c’est que ce processus de sécularisation dépendait des caprices des gouvernants. La volonté populaire comptait pour si peu. La représentation nationale incarnée par un parlement, authentique chambre d’enregistrement, ne servait qu’à applaudir le tout et son contraire. L’absence de démocratie, bloquant l’émergence de consensus sur des questions aussi fondamentales que celle des rapports de la religion à l’État maintenait la permanence des tensions politiques tout comme la crise de l’ensemble du système juridico-politique. Une crise cristallisée par ce climat diffus que nous qualifions de « Syndrome du Pentimento Juridique (17) ». Syndrome par lequel on entend : l’ensemble des symptômes issus de la peur inspirée par la rémanence à la fois, sociale, culturelle, idéologique et religieuse de certaines institutions traditionnelles abrogées ou réformées, d’une part, et la grande crainte, d’autre part, (justifiée par l’expérience juridique de certains pays) de les voir resurgir pour se substituer aux institutions actuelles. Et cette peur est d’autant plus forte que l’est la conscience de la cohérence fragile des fondements démocratiques des institutions d’aujourd’hui.

Et c’est à travers cette instabilité de certaines institutions juridiques que se révèle, en Tunisie comme dans le reste du monde arabo-musulman, l’ampleur de cette crise. Un rapide panorama démontre à quel point le droit est instable. Des pans entiers de ce dernier, en rapport avec la religion, apparaissent, disparaissent, puis réapparaissent au grès des caprices des gouvernants (18). Si le droit peut être comparé à une « toile sur laquelle d’autres peignent », tel que le résume fort justement Yadh Ben Achour (19), alors, le droit des pays en question s’apparente à un authentique pentimento (20) qui reflète la mauvaise qualité des matériaux et des procédés utilisés lors des recompositions successives de la toile juridique.

 

B.— 14 janvier 2011, le temps pour aplanir les ambiguïtés.

Il est vrai, cependant, que pour le cas tunisien, cette instabilité systémique s’est plutôt limitée aux normes à incidence politique afin de neutraliser les règles démocratiques de dévolution du pouvoir et la soumission des gouvernants au contrôle politique (21). Et, manifestement, le chemin parcouru par la Tunisie en terme de processus de sécularisation entamé depuis l’autonomie interne (1955) fait, qu’aujourd’hui, ce pays est probablement le mieux outillé de la région pour réussir sa transition démocratique, dès lors que certaines ambiguïtés soient levées.

Aussi, quel va être le sens qu’aura le maintien probable de la mention de « l’Islam religion d’État » dans la future Constitution tunisienne ? Encore aujourd’hui, nous doutons fort que cette mention puisse être définie précisément. En revanche, depuis le 14 janvier 2011, nous pouvons d’ores et déjà envisager ce qu’elle ne peut pas être. C’est-à-dire avoir un sens qui aille à l’encontre des motivations pour lesquelles des Tunisiens sont morts, tout comme celles des citoyens qui ont défié Ben Ali devant son ministère de l’Intérieur pour le sommer de « dégager ». Des motivations qui se résument dans la revendication du respect de la dignité de la personne. Cette dignité non-susceptible d’être détachée du respect des libertés fondamentales et des garanties protégeant le citoyen dans un État démocratique. En somme, peu importe le sens que les uns et les autres conféreront à la disposition « Islam Religion d’État ». Désormais ce qui est non négociable depuis le 14 janvier, c’est que ce sens puisse aller à l’encontre desdites libertés. Et c’est déjà une clarification considérable. Et pour que cette avancée le demeure, les Tunisiens ne devront tolérer aucune concession sur ce terrain. Et cela, ça ne sera pas en évacuant de la Constitution la disposition qui permettra à l’État de contrôler le champ religieux, mais certainement en refondant et en reconsolidant tout l’arsenal juridique nécessaire pour garantir une démocratie sécularisée.

C’est à ce niveau que se révèle le grand chantier à venir. En somme, l’enjeu va se situer au niveau des mécanismes juridiques et institutionnels qui vont garantir et rendre effectif notamment :

1 — Les droits de l’Homme et les libertés fondamentales dans leur acception universelle. Et faut-il rappeler que s’arrêter pour épuiser son énergie sur le fait de vouloir supprimer la disposition « Islam Religion d’État » de la Constitution tunisienne, alors que les droits de l’Homme et les libertés fondamentales sont reconnus depuis des années en Tunisie, mais qui n’ont jamais réussi à devenir vraiment effectifs, c’est perdre le sens des priorités dans le combat démocratique. Et faut-il rappeler que la violation de ces droits n’était pas le fait de la religion, mais plutôt d’un despote, de surcroît loin d’être éclairé.

2 — La liberté d’expression sous toutes ses formes.
Qu’elle soit assurée et il n’y aurait aucune crainte à avoir d’une quelconque religion qui submergerait la sphère publique. Les Tunisiens toléraient-ils la moindre forme de censure, ils peineront alors à reconstruire leur démocratie.

3 — L’égalité des droits et des chances entre les sexes. Au passage et rien qu’en lisant la liste des 24 nouveaux gouverneurs nommés par le gouvernement de transition où ne figure aucune femme, nous réalisons à quel point la Tunisie a encore du chemin à parcourir. Exciper du code du statut personnel pour clamer l’avance de la Tunisie sur le reste du monde arabe, cela reviendrait à se voiler la face pour ne pas traiter les graves carences qui demeurent.

Et, par-dessus tout, là où il va falloir être particulièrement vigilant, c’est au niveau de tout ce qui est de nature à altérer  l’autonomie du législateur… altération aussi insidieuse soit-elle. De même, si l’indépendance de la justice n’est pas garantie, il ne faudrait pas s’étonner ensuite que les gardiens de nos libertés fondamentales ne soient pas en mesure de les protéger. Dans le même sens, si l’organe qui va assurer la justice constitutionnelle ne jouit pas d’une réelle indépendance, inutile non plus de se prévaloir des garanties que la Constitution, mais aussi les conventions ratifiées par la Tunisie, confèrent au citoyen.

On aurait tort de croire que la sécularité d’une nation démocratique se mesure à l’existence ou pas d’une disposition constitutionnelle qui lie organiquement la religion à l’État. Le critère le plus objectif pour apprécier cette sécularité (et ce, pour une nation qui reconnaît déjà les libertés fondamentales dans leur acception universelle), c’est de jauger le degré de l’accomplissement de l’État de droit. Le pouvoir judiciaire et la justice constitutionnelle en sont la clé de voûte.

Les spécialistes de la justice tunisienne ne me contrediront pas en affirmant que nous avons la chance en Tunisie d’avoir une magistrature estimable, laquelle a toujours été en avance sur les gouvernants, devançant même les besoins de modernité politique de la société tunisienne. Les dysfonctionnements indignes que Ben Ali a imposés à cette magistrature pour la soumettre ne doivent pas dissimuler cet atout formidable dont dispose la Tunisie pour réussir sa transition démocratique. Et pour cause, parmi les différents corps de métiers, nous n’avons pas observé un seul, depuis la chute de Ben Ali, qui soit allé aussi loin pour se purger des scories qui lui furent imposées, tout comme des indignes qui ont trahi leurs serments.

Outre l’appareil judiciaire et son indépendance, ce sont également toutes les autres institutions destinées à réduire cette hypertrophie si symptomatique aux exécutifs arabes. La séparation des pouvoirs, à elle seule, n’est plus suffisante à assurer une démocratie moderne et non moins sécularisée. Le rôle des hautes autorités comme celles de l’audiovisuel, de régulation de la concurrence, de contrôle du marché boursier, etc. sera capital. Négliger leurs indépendances et les mécanismes destinés à assurer leurs neutralités serait la voie la plus courte pour revenir progressivement aux pratiques bénaliennes.

Les enjeux de la démocratie tunisienne s’articulent autour de ces éléments là. « L’islam religion d’État » permet justement à l’État de garder le contrôle sur une lecture de l’Islam qui ne soit pas en mesure de contrarier ce projet national démocratique. Alors ne nous trompons pas de combat !

Riadh Guerfali (Astrubal), le jeudi 31 mars 2011
Docteur en Droit Public
Co-admin Nawaat.org
Enseignant Universitaire, ancien avocat
http://astrubal.nawaat.org/
Compte sur Twitter @astrubaal
Nawaat sur Twitter @nawaat


(1) — Cf. l’article premier de la même loi.

(2) —  Sur la notion de Laïcité cf. :
— Jean Baubérot : (dir.) Religions et laïcité dans l’Europe des Douze. Paris, Syros, 1994.
— Albert BAYET : La laïcité au XXe siècle ; pour une réconciliation française. Paris, Hachette, 1958.
— Alain Bergounioux : « La laïcité, valeur de la République ». In Revue «  Pouvoir » sous le titre «  La laïcité », n° 75, Paris, Seuil, novembre 1995, p. 17 à 26.
— François‑Paul Blanc et Françoise Monéger : Islam et/ou Laïcité. Perpignan, C.E.R.J.A.F, 1992.
— H. Bost  : (éd.) Genèse et enjeux de la laïcité. Genève, Labor & Fides, 1990.
— Jean BOUSSINESQ : La Laïcité française. Paris, Seuil, coll. Points, 1994.
— Hervé HASQUIN : (dir.) Histoire de la laïcité, principalement en Belgique et en France. Bruxelles, éd. La renaissance du livre, 1979.
— Michel Wieviorka: « Laïcité et démocratie ». In Revue «  Pouvoir » sous le titre «  La laïcité », n° 75, Paris, Seuil, novembre 1995, p. 61 à 71.
— Sur la portée de la notion de laïcité au travers de la jurisprudence française, cf. :
— Yves Madiot : « Le juge et la laïcité » . In Revue «  Pouvoir », op. cit., p. 73 à 84.

(3) — Entre autres cf. Riadh Guerfali : « Les Fondements du pouvoir politique au Maghreb central entre tradition religieuse et modernité politique », In Le Chef de l’État en Afrique… Entre traditions, État de droit et transition démocratique.  Dir. F.-P. Blanc, J.-B Gaudusson, A. Fall, F. Feral. Cahiers du Centre d’Etudes et de recherches juridiques sur les Espaces Méditerranéens et Africains francophones (CERJEMAF), n°9/2001, PUP, p. 271 à 308.

(4) — De même, concernant les textes religieux, la Grèce constitutionnalise leur statut inaltérable ainsi que l’interdiction de toute traduction non autorisée. À cet égard, l’article 3 de la même Constitution dispose : « Le texte des Saintes-Écritures est inaltérable. Sa traduction officielle en une autre forme de langage, sans le consentement préalable de l’Église autocéphale de Constantinople, est interdite ».

(5) — Article 69 de la même Constitution.

(6) — Cf. le « Church Act » de l’article 76 de la Constitution finlandaise relatif à l’Eglise officielle.

(7) — Cf. Jean Imbert : « Conférence inaugurale ». Pages 18 et 19 In Constitutions et religions. Rec. du Cours de l’Académie Internationale de Droit Constitutionnel, Tunis, session 1994. Presses de l’Université des Sciences Sociales de Toulouse, 1996, p. 13 à 24.

(8) — Cf. Jacques Zylberberg : « Laïcité, connais pas : Allemagne, Canada, État‑Unis, Royaume Uni ». Page 44, in Revue «  Pouvoir », op. cit., p. 37 à 52.

(9) — À propos des rapports institutionnels entre le religieux et le politique aux U. S. A voir Jacques Zylberberg , op. cit. p. 47 à 50.

(10) — La version française du texte du préambule de la Constitution et de la déclaration des droits du Massachusetts  est reprise sur Stéphane Rials in : La Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen. Paris, Hachette, coll. pluriel, 1989, p. 512 à 517.

(11)  — Pour une approche exhaustive du concept de laïcité et les nuances qu’il comporte avec le concept de sécularisation, voir les analyses pertinentes de Franck Frégosi au sein du tome I de : Les rapports de l’État et de la religion au Maghreb. ( Algérie Tunisie ). Introduction à la sécularisation des institutions dans le monde musulman. Thèse dir. Bruno Étienne, I. E. P., Aix-en-Provence, 1994 (deux tomes).

(12) — Le classement « Democracy Index » est réalisé par « The Economist Intelligence Unit » dont l’autorité en la matière est largement reconnue. Ce classement  est basé sur 60 indicateurs regroupés en cinq catégories : processus électoral et pluralisme politique, les libertés publiques, la bonne gouvernance, la participation politique et la culture politique.
Cf. le dernier rapport de 2010
http://graphics.eiu.com/PDF/Democracy_Index_2010_web.pdf

(13) — Cf. le classement relatif à l’indice de développement humain  tel que défini par le Programme des Nations unies pour le développement sur
 http://hdr.undp.org/en/media/HDR_2010_FR_Complete.pdf

(14) — Sur la question des rapports Constitution-Religion dans l’ensemble des pays musulmans, voir la contribution d’A. Amor : « Constitution et Religion dans les États musulmans ». In Constitutions et religions. Presses de l’Université des Sciences Sociales de Toulouse, 1996, p. 25 à 89.

(15) — Discours du 18 septembre 1966 sous le thème « La Tunisie et le rapprochement islamique ». Publication du secrétariat d’État aux affaires culturelles et à l’information, 5 octobre 1966, p. 10 et 11.

(16) — Cf. dans le même sens Zakya Daoud : « Chronique tunisienne ». In Annuaire de l’Afrique du Nord, Paris, CNRS, tome XXVIII, 1989, p. 683.

(17) — Cf. Riadh Guerfali : « Crise du droit et éclectisme idéologique : Le syndrome du Pentimento juridique ».  In  L’/es islamisation/s, réel et imaginaire. Dir. F.-P Blanc,  IXe réunion des chercheurs sur le monde arabe et musulman. Revue d’Histoire des Institutions Méditerranéennes n °1, CERJEMAF/P.U.P, 1997, p. 231 à 248.

(18) — Voici quelques exemples en rapport avec le droit de la famille :
- Irak :
1959, réforme du code de la famille ( code du statut personnel ).
1963 et 1968, des restrictions sont apportées au code de 1959.
1978, ces restrictions sont supprimées
1991, dépénalisation du ” crime d’honneur ” sur la personne de la fille ou de la femme séduite.
- Égypte :
1955, Nasser supprime les tribunaux religieux.
1971, réforme constitutionnelle qui fait de la sharia une source principale de la législation.
1979, Adoption d’un nouveau code de la famille plus progressiste ( Loi Gihane ).
1985, la loi Gihane est annulée par le conseil constitutionnel.
- Iran :
1932, adoption d’un nouveau code de la famille ( assez progressiste pour l’époque ).
1975, adoption de la loi de protection de la famille.
1983, abrogation du code de 1932 et de la loi de 1975 qui sont remplacés par un nouveau code conforme au droit religieux shiite.
- Pakistan :
1961, adoption d’un code de la famille ( assez progressiste ).
1984, adoption de la Sharia par plébiscite.
1988, la « Sharia Ordinance » déroge à certaines dispositions du code de 1961 pour faciliter la polygamie.
- Algérie :
1984, adoption du nouveau code de statut personnel qui légalise la répudiation traditionnelle qui n’existait pas dans le « Statut franco-musulman » de 1959.

Pour d’autres exemples dans le même sens voir :
- Olivier Carre : L’Islam laïque, ou le retour de la grande tradition. Paris, A. Colin, 1993.
- Bernard Botiveau : Loi islamique et droit dans les sociétés arabes. Paris, Karthala, 1994.

(19) — Yadh Ben Achour en postface de Politique religion et droit dans le monde arabe. Tunis, Cérès Productions, 1992.

(20) — Pentimento : mot italien signifiant « repentir », mais également dans le vocabulaire des beaux-arts, mot qui fait référence à toute toile de peinture sur laquelle, avec le temps, réapparaissent à la surface d’anciens motifs sur lesquels l’artiste a repeint.

(21) — Cf. Riadh Guerfali : « La Constitution Tunisienne, charte d’un régime républicain à l’agonie », Publié sous le pseudonyme de Chadly Ben Ahmed Al-Tûnisi In Réalités Tunisiennes : L’État de manque ; Politique, Economie, Société, Culture. Horizons Maghrébins N° 46/2002, Presses Universitaires du Mirail, p. 27 à 37.

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Censure, Hypocrisie et Etat de droit : Lettre ouverte aux malentendants

 

Nawaat Tunisie Palais de Carthage


Ne cherchez pas Maya Jribi, A. Brahim ou M. Ben Jaafar, ils ne sont pas sur la photo de famille…
Quant aux femmes, elles sont plutôt parquées au fond de la salle…
Image grand-angle reconstituée à partir des vidéos télédiffusées sur canal 7.
Cliquer pour agrandir

 

Pourquoi une lettre ouverte aux malentendants ? Peut-être parce que les myopes ont déjà tellement du mal à lire. Et que la fracture entre les discours politiques et ce qui se lit et s’écrit sur les supports dits libres, c’est-à-dire électroniques, il n’y a que les myopes qui n’arrivent pas à la voir. Une fracture où l’hypocrisie des discours est le maître mot (I), handicapant la marche vers l’Etat de droit (II). Et la censure dans tout cela s’avère être le révélateur cinglant de nos aberrantes contradictions.

 

I. L’hypocrisie des discours

Il y a d’abord l’hypocrisie qui ne cache pas son nom, à l’instar de celle manifestée par celui qui préside actuellement le syndicat des journalistes après le fameux putsch. Il y a ensuite l’hypocrisie, un peu à la Nizar Bahloul, lequel réussit l’exploit dans le même paragraphe, tantôt à manifester tant de gratitude au président de la République qui a si œuvré pour l’émancipation de la liberté de la presse ; tantôt à se lamenter sur son sort tellement il trouve anormal qu’il ne lui soit pas permis d’obtenir une carte de presse. Et puis, il y a celle si niaise à la Noureddine HLAOUI jubilant franchement à l’idée d’obtenir prochainement cette carte de presse dans un pays où (tout en citant Ben Ali sans la moindre prise de distance), « il n’existe aucun tabou[sic] ni interdit[sic] et que les médias tunisiens peuvent traiter tous les dossiers[sic] et toutes les questions[sic] sans aucune forme de censure[sic] autre que celle que leur impose leur conscience[sic], dans le cadre du respect de la loi[sic] et de l’éthique professionnelle [re-sic]». Cette citation, dans cette ambiance d’hypocrisie généralisée, on va se la coltiner durant des mois, voire des années. Certains auront beau, en préparant leur papier, cliquer sur des liens et tomber sur la fameuse page 404, ils n’auront de cesse à nous ressortir cette phrase sans pudeur.

Il y a également l’hypocrisie de ceux qui se réveillent un jour et découvrent soudainement certains articles de la Constitution tunisienne, et réalisent que la Tunisie a ratifié un certain nombre de conventions qui l’obligent. Parce que vaut mieux tard que jamais, l’hypocrisie ne réside pas dans le fait de s’être enfin réveillé, alors qu’il n’y avait pas si longtemps encore, le fait même d’évoquer le scandale de la censure était renvoyé à la figure de son auteur, le taxant de vulgaire opposant. L’hypocrisie réside plutôt dans le fait de considérer sottement les violations des lois de la République d’une façon opportuniste. Opportuniste, car considérées sous l’angle de la chapelle à laquelle on appartient. Opportuniste également parce que l’on ne s’émeut que des violations constitutionnelles qui nous touchent au détriment des autres. En ce sens, l’on ne s’émeut de la censure, que parce qu’on en est devenu la victime directe. Sinon pour le reste, telle la torture, la non-liberté d’association ou syndicale… eh bien, ma foi… 

C’est sot, parce que la division en chapelles, ne réussit pas vraiment à ses ouailles et l’appréhension des libertés et garanties fondamentales d’une façon sélective fait qu’aucune finalement ne s’impose vraiment. Et cela dure depuis plus de 40 ans. Forcément… quand l’on n’est pas vigilant s’agissant de l’effectivité de l’exercice par les magistrats de leur liberté syndicale, il ne faut pas s’étonner ensuite des pressions que subit la justice afin de ne pas condamner la torture. Et quand on est insensible aux tracasseries que subissent certains pour exercer leur droit de réunion, il ne faut pas s’étonner non plus qu’ils ne soient pas en mesure de dénoncer les atteintes à la liberté d’association.

Il y a aussi l’hypocrisie de l’action des partis politiques engendrant ce cercle vicieux, si bien résumé par l’excellent Tahar Ben Hassine, lequel s’adressant à Maya Jribi secrétaire générale du PDP, lui demandait « mais quand diable allons-nous sortir de ce cercle vicieux ou tout le monde ment à tout le monde, pouvoir et oppositions confondus. Et tout le monde sait, que tout le monde sait, que tout le monde ment !? ». Et L’hypocrisie atteint l’exécrable tel lorsqu’un député, M. Bouchiha, censé contrôler l’exécutif au nom de la nation, affirme en guise de toute réponse à la question de la pratique de la torture en Tunisie : « le président Ben Ali a dit qu’il n’y a pas (plus) de torture en Tunisie, j’en prends acte »(1). Pourquoi alors l’Etat tunisien affirmait-il, lui-même, poursuivre des actes de torture et avoir « adopt[é] une circulaire émanant du Ministre de la justice et des droits de l’Homme, adressée aux procureurs généraux et aux procureurs de la République, dans laquelle il attire l’attention des responsables du parquet sur la nécessité d’enquêter systématiquement sur toutes les allégations de torture ou de mauvais traitement »(2) ? Il est vrai que Bouchiha pourrait plaider les circonstances atténuantes, puisque le gouvernement tunisien, tout aussi hypocrite, ne reconnaissait de tels actes qu’en catimini. En effet, le document où il est question d’un tel aveu est illégalement bloqué en Tunisie, ainsi que l’ensemble du site de l’Organisation Mondiale Contre la Torture.

Il y a également cette hypocrisie dans l’action des partis dudit « bloc démocratique », promptes à ignorer les enjeux fondamentaux aux profits des calculs politiques à court terme. Quand, en 1988, des magistrats dans leur petit tribunal de Kairouan bataillaient pour faire reconnaître la suprématie de la Constitution (appuyés en cela par la Cour d’Appel de Sousse)(3), les calculs à court terme des dirigeants du « bloc démocratique » faisaient qu’ils étaient davantage préoccupés à parader au palais de Carthage qu’à être ferme avec les exigences d’un Etat de droit. Dès lors, il ne fallait pas s’étonner de l’indifférence générale qui a entouré la décision de la Cour de cassation, sous la coupe du pouvoir, brisant net cet élan (4). Ni s’étonner d’ailleurs de l’indifférence qui a entouré la démission des deux membres du conseil Constitutionnel Iadh Ben Achour et A. Amor après avoir échoué à convaincre leurs collègues du même Conseil à protéger la liberté d’association (5). Les deux exemples cités inspirent, le moins que l’on puisse dire, la consternation quand on songe à la grève de la faim de 2005. Ce n’est pas rien en effet, que de relever qu’il aura fallu entre 15 et 17 ans pour que l’opposition démocratique revendique ce que des fonctionnaires, politiquement isolés et au péril de leurs carrières, ont cherché à défendre. En l’occurrence la liberté d’association et la légalité constitutionnelle, et ce, malgré la volonté de Ben Ali.

Et aujourd’hui où en sommes-nous ? Nous en sommes au point où un parti tel le PDP, reconnu par la loi, parti auquel la Constitution confie un rôle majeur au sein des institutions républicaines pour « encadrer des citoyens en vue d’organiser leur participation à la vie politique. » (art. 8) se retrouve non seulement censuré via le blocage illégal de son site internet, mais par ailleurs agressé en permanence par le mensonge de la fausse page 404. Une fausse page systématiquement envoyée à tout Tunisien qui désire s’informer et participer à la vie politique de son pays. »(6). Et tout cela presque dans l’indifférence généralisée (7) !

Le blocage hors la loi des sites des partis politiques et notamment ceux du Pdpinfo.org constitue l’une des atteintes les plus insupportables à l’ordre républicain. Que l’on soit partisan ou adversaire politique du PDP, le régime républicain ne peut pourtant s’accommoder sans dommage d’une situation qui fait qu’un parti politique quelconque soit à la foi légal et privé de ses libertés et garanties constitutionnelles ! Ou bien l’on est en présence d’un parti représentant une réelle menace pour la nation et dans ce cas là, il faudrait entamer les démarches judiciaires pour le dissoudre, ou alors faire cesser les violations desdites libertés. En attendant, la perpétuation de la situation actuelle ne fait qu’éroder encore plus l’effectivité du cadre constitutionnel tunisien et fragiliser davantage le cadre républicain.

Dans cette atmosphère d’hypocrisie politique généralisée, on tombe parfois sur des papiers déroutants, à l’image de celui signé par quatre dirigeants du même PDP et où l’on préfère l’expression « tentation autoritaire » à celle de Dictature (8). Dans leur essai, les auteurs reprochent le radicalisme des positions de leur parti et du « bloc démocratique » en général. Or, quand on compare la tiédeur des positions du PDP (9) avec le radicalisme de Ben Ali vis-à-vis de l’exigence du respect de la loi (10), leur approche s’avère singulièrement paradoxale. Les auteurs, optant pour une démarche réduite autour des rapports de forces entre le régime et les mandarins de l’opposition, omettent par ailleurs les enjeux républicains. Reprochant à l’opposition de vouloir tout, tout de suite, ils négligent dans leur raisonnement ce qui transcende la question même de l’exercice du pouvoir : en l’occurrence son cadre loyal (11). Goumani, Touzri, Abdelli et Bouajila stigmatisent également l’élitisme de l’opposition. L’aspect élitiste (et j’ajouterai doublé d’une myopie électoraliste à la source des querelles de leadership) du « bloc démocratique » est notable. Mais là où réside un autre aspect paradoxal dans l’approche des auteurs, c’est que la solution qu’ils préconisent est celle qui consisterait à aggraver cet élitisme par une forme d’entente entre l’élite de l’opposition démocratique et l’élite gouvernante. Ceci en passant à la trappe la prise en charge politique des violations du cadre républicain avec les libertés et garanties fondamentales qu’il suppose. Il faut admettre cependant, que l’incapacité du « bloc démocratique », lui aussi, à prendre en charge politiquement ces violations (cf. infra dans la seconde partie de ce même article) est de nature à pousser vers toutes les solutions de repli aussi détestables soient-elles.

Autre scène assez déroutante… Il y a quelques semaines, nous avons publié deux articles sur Nawaat ; l’un de M. Ben Jaafar et le second de l’ancien juge Mokhtar Yahyaoui. Le hasard des choses a fait qu’ils se sont retrouvés côte à côte. Ainsi, à gauche, il y avait celui de M. Y. dénonçant un authentique outrage à la République (encore un) et à droite l’article de M. Ben Jaafar parlant d’élections, le tout comme si de rien n’était. Durant les quelques jours où ces deux articles sont restés sur la page d’accueil du blog ; j’ai été à chaque fois envahi par une impression de surréalisme en les voyant. Mais de quelles élections peut-on parler dans un pays où des dénis de justice comme celui décrit par M. Y pouvaient avoir lieu ? C’est vrai que, sur un plan personnel, je suis contre la participation à un processus électoral de façade, légitimant la dictature. Mais je n’en fais pas un dogme, pour peu qu’une telle participation soit basée sur une stratégie claire avec des objectifs tangibles. Et ce n’est pas, en soi, le fait de participer aux élections qui me semblait surréaliste. Du reste, lors des élections présidentielles, et ayant été en Tunisie, j’avais soufflé à quelques amis qui tenaient à voter, d’opter pour A. Brahim, tant j’ai été touché par son dernier communiqué précédant les élections. C’était la première fois que je lisais un candidat demander avec une telle insistance démocratique le suffrage des électeurs. J’étais plutôt habitué aux discours d’estrade et aux candidats qu’on devait remercier pour s’être présentés, y compris parmi l’opposition démocratique. Et rien que pour son discours inédit, l’idée d’aller voter pour A. Brahim m’avait pourtant effleuré.

L’aspect surréaliste que j’évoque a plutôt trait à l’incapacité des acteurs du « bloc démocratique » de s’asseoir autour d’une table et de se poser une question simple à propos de chose extrêmement basique : qu’est-ce que l’on peut faire tous ensemble quand une garantie ou un droit fondamental est violé ? Qu’ils concluent qu’ils ne peuvent pas faire grand-chose, ce n’est pas grave ! Mais qu’ils le fassent, et ça sera déjà un grand pas. Je ne suggère même plus qu’ils s’allient pour des échéances électorales, c’est trop compliqué pour eux.

Et à ce jour, la grande hypocrisie politique dans tout cela, c’est précisément la prétention d’exister en tant que parti politique, dont la vocation est d’accéder aux gouvernes de l’Etat, alors que l’on est incapable de gérer un problème aussi basique que celui de réagir tous ensemble face à certaines violations de la loi qui sont, de par leur nature, incontestables (exemple : blocage d’un site internet d’un parti légal).

Comment peut-on avoir la prétention de prendre en charge la gestion d’un Etat et garantir la bonne marche de ses institutions si l’on est incapable d’agir à une échelle aussi basique ? Comment peut-on prétendre pouvoir gérer à l’échelle nationale des relations avec des partenaires sociaux ou prendre en charge la diplomatie tunisienne si l’on est incapable d’être assez diplomate pour surmonter les problèmes d’ego et se rassembler autour d’une table au service des mêmes dénominateurs communs républicains ?

L’impuissance d’agir collectivement face aux atteintes subies par quelque parti que ce soit porte atteinte à la crédibilité de l’ensemble de la classe politique. Quand le site du PDP demeure illégalement bloqué dans la quasi-indifférence, c’est aussi la crédibilité, entre autres, d’Ettajdid et du Forum démocratique qui en souffre. Et si sur les médias électroniques le discours de l’opposition est presque inaudible par les Tunisiens, c’est peut-être aussi parce qu’il n’est pas à la hauteur des attentes de ces mêmes Tunisiens dans l’ensemble légalistes, imbus d’une culture d’Etat et parmi lesquels le consensus autour du régime républicain est manifeste (tout extrémisme minoritaire mis à part). Et il suffit juste d’aller les lire sur leur blogs, Twitter et autres réseaux sociaux où ils s’expriment pour s’en rendre compte. Et être si impuissant face à un problème aussi décisif que la censure, c’est littéralement désespérant !

 

II.- Censure et Etat de droit

Je reconnais que l’hypocrisie du double discours du régime en matière de liberté d’expression n’a pas été sans une certaine réussite. Puisque là où il y avait des actes illégaux de blocage, certains les qualifiaient pudiquement « d’interdiction », ce qui implicitement présumait leur légalité ; d’autres inventaient le concept de « Ammar404 », parfait exutoire à cette grande frustration du clic ne menant nulle part. Même le mot censure contribuait à brouiller les pistes, puisque non dénué de cette connotation de l’acte d’un pouvoir prétorien qui censure et contre lequel on ne pouvait rien. Car, après tout, n’avons-nous pas besoin de son pouvoir de censure pour protéger nos enfants ou les honneurs diffamés. Du reste, quelques-uns proposent même de « rationaliser » ce pouvoir en lui conférant une reconnaissance légale. Or, cela, c’est par ignorance du fait que nous n’avons nul besoin de reconnaître ce pouvoir arbitraire de censurer à une administration. Nous avons les tribunaux pour cela. Ils se doivent de le faire, le font et les textes qui leur permettent cela sont déjà très nombreux. Et quand ils ordonnent le retrait d’un article ou la fermeture d’un site, ils prononcent finalement sa censure, mais d’une façon légale (12). Et parce qu’il s’agit d’une restriction à une liberté fondamentale, tout blocage d’un site par l’administration ne peut être qu’un acte illégal (A), tant au regard de la Constitution que des Conventions ratifiées par la Tunisie. Et si une promulgation prochaine d’une loi sur la presse électronique revenait sur cette compétence judiciaire de la censure, elle ne pourrait être qu’une loi (encore une) scélérate. A ce jour, c’est vrai, le régime a toujours fait fi des garanties fondamentales, mais il ne tient qu’à nous de raffermir cette culture de l’Etat de droit qui ne se décrète pas, mais se forge par la résistance citoyenne (B).

 

A.- L’illégalité des blocages des sites internet

Les sites à l’instar de YouTube et Dailymotion, tout comme d’ailleurs le site PDPInfo.org, n’ont jamais été interdits en Tunisie ! Pourtant, c’est ce qu’on lit très souvent y compris sur de nombreux médias. Dans un récent article consacré à Facebook, Jeune Afrique, par exemple, rapportait que « [...] les sites d’hébergement de vidéos, comme YouTube ou Dailymotion, au succès incontestable dans le reste du monde, sont interdits en Tunisie depuis 2007. »

Mais où donc l’auteur de l’article, Pierre Boisselet, comme tous ceux qui parlent d’interdiction, ont-ils pu consulter l’information officielle selon laquelle ces sites étaient interdits en Tunisie !? Quelle page du journal officiel tunisien, quel arrêté ministériel, quelle décision de justice, quel PV d’une quelconque autorité administrative ont-ils eu entre les mains et laquelle ordonnait l’interdiction de ces sites en Tunisie ?

Les dires du journaliste de Jeune Afrique sont d’autant plus trompeurs, qu’ils mêlent cette affirmation d’interdiction aux propos d’un obscur technicien de l’ATI indiquant que « pour YouTube, l’interdiction est purement politique ». Et l’aspect pernicieux des faits, tels que rapportés par Jeune Afrique, c’est qu’il laisse entendre, par l’entremise de cet obscur technicien, que c’est l’Agence Tunisienne de l’internet qui a ordonné ces interdictions.

Du coup, tout en l’ignorant, Jeune Afrique vient de nous fournir le plus grand scoop tunisien en matière de NTIC de ces 20 dernières années : C’est l’ATI qui prononcerait et notifierait ces interdictions !

Pourtant, depuis deux décennies l’ATI nie, officiellement, son implication en la matière. Et il aurait suffi d’interviewer, entre autres, le journaliste Tunisien Zied el Héni (qui a tenté, l’année dernière, d’engager la responsabilité civile de l’ATI devant les tribunaux tunisiens) pour en apprendre davantage.

Par ailleurs, on n’insistera jamais assez sur le fait qu’aucune autorité judiciaire n’a prononcé, en vertu de la loi tunisienne, l’interdiction des sites mentionnés par Jeune Afrique. Et en ce qui concerne l’ATI plus précisément, celle-ci, à ce jour (01 mai 2010), n’a jamais signifié à la direction éditoriale d’un quelconque site web (rendu inaccessible en Tunisie) son interdiction sur le territoire tunisien. Et ce n’est pas la longueur de la liste des sites bloqués qui fait défaut.

Si ces blocages ne relèvent pas d’une interdiction légale, de quoi s’agit-il alors ?

Eu égard, entre autres, aux dispositions de l’article 8 de la Constitution tunisienne, comme celle de l’article 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, les blocages des sites mentionnés par Jeune Afrique, de par leur nature hors la loi, sont également constitutifs d’une voie de fait. Et la différence terminologique est fondamentale. En outre, et étant donné que la mensongère page « 404 » qui sert de paravent au blocage procède par la fabrication d’un faux document électronique renvoyé au nom d’une personne morale (en l’espèce usurpant le nom de domaine d’YouTube) et indiquant que le document ne se trouve pas sur le serveur dudit YouTube, il y a de quoi engager des poursuites contre X, tant sur la base de l’art. 199bis que sur celle de l’art. 199ter du Code pénal ( à propos de la page d’erreur mensongère cf. mon article rédigé en 2006).

A présent, est-ce à dire que ce n’est pas l’ATI qui, techniquement, appuie sur le bouton pour décapiter un site web en Tunisie ? Je n’en sais rien. Personne en Tunisie n’en sait plus, hormis ceux qui sont directement impliqués, c’est-à-dire le donneur d’ordre et ses exécutants. Du reste, que ces exécutants violent la loi tunisienne à partir des locaux de l’ATI ou d’une cellule logée au ministère de l’Intérieur n’a pas vraiment d’importante. Ce qui importe, c’est d’identifier l’autorité politique ou administrative qui ordonne et/ou couvre ces infractions. Et à cet égard, inutile d’y aller par quatre chemins : la chaîne pyramidale des responsabilités indique qu’il s’agit bel et bien du président de la République. L’épisode du blocage illégal de Facebook, l’année dernière, puis son rétablissement sur ordre direct du président de la République ne laisse planer aucun doute à ce sujet. Il faut arrêter l’hypocrisie, point !

Et à la limite, que l’ATI, tout comme le président de la République se défaussent, la « voie de fait » sera toujours, et en dernier lieu, imputable à l’Etat tunisien en tant que personne morale.

Cette atteinte à l’exercice des droits et garanties prévus par la Constitution tunisienne via la voie de fait est par ailleurs aggravée par la violation de l’article 8 de la DUDH disposant que « toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la Constitution ou par la loi ».

Car à non point douter, le fait de s’en remettre à un service clandestin en matière de blocage des sites internet, c’est aussi pour neutraliser plus facilement ce principe fondamental qu’est le « droit au recours juridictionnel ». Quand aucun « service » ne revendique ces « décisions » de blocage, il devient plus difficile d’agir. Car comment contester devant les tribunaux la légalité d’une décision n’existant pas, de surcroît rendue par une « entité » inconnue de l’organigramme de l’administration tunisienne ? Par ailleurs, il convient ici d’attirer l’attention sur le fait suivant : Le droit tunisien, respectant les standards internationaux, exige que même lorsque c’est une autorité judiciaire qui prononcerait le blocage d’un site pour un quelconque motif légal, le justiciable à l’encontre duquel la décision aurait été rendue doit être en mesure de faire appel s’il l’estime utile. Alors, et a fortiori, que dire lorsque c’est une « administration » qui pourrait pratiquer ce blocage arbitrairement et au mépris de la loi ! Aussi et, tant qu’à faire, autant créer un service clandestin pour contrecarrer le contrôle du juge, dernier rempart contre les atteintes à nos garanties et droits fondamentaux (rempart en théorie j’en conviens, j’y reviendrai).

Pourtant, et outre l’article 8 de la DUDH, ce « droit au recours juridictionnel » découle également de l’économie générale de la Constitution tunisienne tant au niveau de son préambule qu’au niveau de l’ensemble des dispositions garantissant un Etat de droit pluraliste qui se « veut » respectueux des droits de l’Homme. Et, à cet égard, il existe une jurisprudence constante, notamment celle de la juridiction administrative, insistant sur la nécessité de faire prévaloir les impératifs de l’Etat de droit dérivant de la loi fondamentale tunisienne (13).

 

B.- La culture de l’Etat de droit ne se décrète pas, mais se forge…

En 2006, quand j’avais publié, encore, un papier sur l’aspect illégal de la censure en Tunisie et où je reprochais entre autres au PDP le fait ne pas agir en justice contre ce blocage illégal de son site internet, un ami, sympathisant du même PDP, m’avait interpelé pour me reprocher à son tour que cela ne servait à rien et que je prêchais dans le vide. A cela, j’avais répondu qu’à court terme et, a fortiori, si le PDP ne publiait pas les détails d’une éventuelle procédure pour informer les Tunisiens, il ne fallait pas s’attendre à des miracles. De même, quand Ziad El-Héni avait entamé sa procédure contre l’ATI, je l’avais félicité et remercié tout en précisant que je n’avais aucun doute sur l’issue d’une telle procédure, mais qu’il fallait que quelqu’un le fasse.

Précédemment dans ce même article, j’ai parlé du « juge, dernier rempart contre les atteintes à nos garanties et droits fondamentaux ». Evidemment, je sais que je ne vis pas en Scandinavie, mais, par intermittence, en Afrique du Nord dans un pays qui s’appelle la Tunisie. A court terme, que de telles tentatives de poursuites devant les tribunaux ne soient pas, en effet, susceptibles d’aboutir à des résultats judiciaires concrets, nous le savons tous. Ce qui importe, ce sont les débats publics que font naître ces poursuites, nourrissant ainsi la perception de l’aspect intolérable de ces violations. L’Etat de droit ne se bâtit pas sur les slogans creux à la Ben Ali comme ceux de l’opposition, mais sur cette capacité à enraciner une culture populaire qui tend à rendre insoutenables aux yeux de l’opinion publique les violations des lois de la République. Aussi, nous ne devrions épargner aucun effort pour faire en sorte que la perception sociale, voire morale, de la transgression de la loi engendre son rejet farouche par le corps social. C’est ce refus par le corps social qui incarne le soutien populaire indispensable au pouvoir du juge pour l’aider à résister aux pressions du politique. Et nous ne pouvons faire l’économie d’un tel effort pour contrebalancer ce que nous stigmatisons en permanence : une justice aux ordres. Autrement et pour être cynique, sommes-nous vraiment en droit de reprocher à un juge le fait de couvrir les violations de la loi, notamment pour protéger le despote qui l’emploie ? Exiger de ce juge d’être « ingrat » à l’égard de son « employeur-protecteur » au profit de ceux qui ne font pas grand-chose de réellement efficace pour contribuer à protéger son indépendance est une attitude absurde (14).

Et, manifestement, au sein de l’opinion publique, l’évolution depuis quelques années de cette perception des violations de la loi, et notamment en matière de libertés fondamentales, est palpable. L’impact du geste de Zied El-Héni, engageant une procédure contre l’ATI est largement perceptible sur les supports électroniques quant à sa contribution au niveau de la démystification de la censure en tant qu’acte prétorien, contre lequel on ne pouvait rien. Et sur ce même terrain, l’apport du travail de sensibilisation et d’information de l’équipe de Tahar Ben Hassine inspire un grand respect. Je pense également que sur Nawaat.org, nous n’avons pas à rougir quant à notre contribution en la matière. Sur internet et sur les réseaux sociaux nous continuerons, avec d’autres, à susciter et à enrichir le débat sur cet aspect qui nous paraît si crucial.

Il va de soi que le discours en matière de respect des libertés fondamentales, tout en étant indispensable quant à sa capacité à enrichir la culture de l’Etat de droit, ne peut se substituer à l’action politique. Et c’est aussi à ce niveau que nous avons un sacré problème. Sur les 40 dernières années, je ne peux, pour ma part, que constater l’échec des forces démocratiques tunisiennes à prendre politiquement en charge les discours légalistes (d’autres diraient « droit-de-l’hommiste » et ils n’auront pas tort). Pire encore, car à y observer la scène politique tunisienne de plus près, on s’aperçoit que c’est le « droit-de-l’hommisme » qui s’est emparé du politique.

S’il est du ressort de l’activité relative aux droits de l’Homme de recenser, enquêter et dénoncer les violations, voire de formuler des recommandations , il appartient néanmoins au politique d’agir pour résoudre ces violations. Or, que constate-t-on en Tunisie au niveau de l’opposition démocratique ? Exactement l’inverse ! Depuis plus de 30 ans, c’est l’activité « droits-de-l’hommiste » qui a pris la place du politique. Les partis politiques passent leur temps à recenser et publier des communiqués, et les militants des droits de l’Homme à faire de la politique. Même quand l’activité des droits de l’Homme n’existait pas, il a fallu l’inventer pour la substituer au politique. J’exagère peut-être !? Pas si sûr, et pour rappel : la Ligue tunisienne des droits de l’Homme a été enfantée suite à l’échec du Mouvement Perspectives à faire de la politique. Elle est l’enfant de la période post carcérale des Perspectivistes. En outre, toutes les personnalités issues de l’opposition démocratique ayant occupé des postes ministériels sont passées par la vénérable LTDH. C’est « l’activité des droits de l’Homme » [les guillemets s’imposent] qui mène aux gouvernes de l’Etat et non l’activité politique. Au demeurant, n’a-t-on pas qualifié la LTDH d’« antichambre du pouvoir »? Et aujourd’hui, les militants de l’opposition démocratique sont davantage connus pour leur activité des droits de l’Homme que pour leur activité politique. Et de mon point de vue, beaucoup de militants politiques considèrent qu’il est actuellement autrement plus efficace, faute de mieux, de focaliser sur la dénonciation des droits de l’Homme que d’apporter leur soutien (et de perdre son temps) à des partis qui sont incapables de proposer des stratégies à moyen et à long terme pour résoudre les difficultés présentes. Dès lors, il ne faut peut-être pas s’étonner de voir Touzri, Goumani et leurs amis se retourner pour chercher une solution ailleurs, ô combien contestable pourtant (cf. supra).

Néanmoins, il est vrai que faute d’avoir été à la hauteur des ambitions de notre pays, le « droits-de-l’hommisme » de l’opposition démocratique a eu au moins le mérite d’être un substitut non violent à l’action politique. Et pourtant, je l’avoue, je suis proche du radicalisme de Moncef Marzouki. Car je ne peux discuter avec une matraque au dessus de la tête. Je chercherai toujours à arracher la matraque des mains de mon agresseur. Celui qui détient la matraque n’a rien à me donner, c’est à moi de prendre et d’arracher ce qui m’est dû en tant que citoyen. Et je laisse aux plumitifs MBarek, Karmaoui, Bahloul et Hlaoui la tâche de rabâcher à l’excès que c’est Ben Ali qui est le pourvoyeur de leurs libertés fondamentales et de leur République tout court ! En revanche, et à la différence de Moncef Marzouki, je ne pense pas que cela soit par l’intermédiaire de la descente des foules dans la rue que les choses changeront. Mais autour d’une table et sans la moindre concession quant au respect du cadre républicain et pluraliste. Certes, nous l’avons vu à Redayef, la foule peut effectivement descendre dans la rue pour exprimer des revendications si légitimes. Et une telle descente peut aller effectivement jusqu’au renversement de l’équipe gouvernante. Mais ça ne sera qu’un changement de personnes. Car, encore une fois, c’est toujours autour d’une table que l’on résout les problèmes. Peut-être est-il illusoire de croire que l’on peut ainsi arracher la matraque des mains de son agresseur. A court terme, ça l’est. Or je ne raisonne pas à court, mais à moyen et à long terme. Et c’est aussi et surtout cela que je reproche à l’opposition démocratique.

 

Conclusion

Outre les violations des libertés fondamentales, tous les démocrates tunisiens sont d’accord pour mettre fin à la dictature. Quant à savoir quels sont les moyens envisagés, quels sont les mécanismes préconisés pour que cesse ce que tous dénoncent, on ne sait toujours rien de la part de ceux qui se proposent pour l’alternance. Et c’est d’autant plus incompréhensible lorsque l’on constate l’unanimité au niveau de l’opposition démocratique pour dire que le principal drame de la Tunisie est la dictature. Or, pourquoi, face à cette unanimité, le principal cheval de bataille de l’opposition ne repose-t-il pas sur les mesures destinées à mettre fin à ce drame ? Pourquoi n’articule-t-elle pas toute sa lutte sur ces mesures de nature à mettre fin à cet état de fait ? En l’occurrence pourquoi l’opposition ne concentre-t-elle pas toute son énergie pour faire prévaloir ce qui relève de l’urgence, si alternance il va y avoir un jour ?

Précédemment, j’ai évoqué la carence de la prise en charge politique par le « bloc démocratique » des outrages aux libertés et garanties fondamentales des citoyens. Par cette prise en charge, j’entendais tant les mesures destinées à y mettre un terme que -et surtout- le travail de terrain nécessaire pour « vendre » le volet institutionnel de ces mesures. Car à force, c’est lassant les communiqués pouilleux et épisodiques évoquant, çà et là, quelques réformettes à envisager ou à les quémander auprès d’une dictature qui ne peut qu’être sourde à tout ce qui est de nature à vouloir l’ensevelir. Je songe aussi à ce travail pour le moyen et le long terme tout en « matraquant » un vrai projet d’alternance qui soit véritablement en mesure de faire prendre le pouvoir. Cet effort de longue haleine pour vendre avec insistance et conviction les premières mesures qui seront prises dans les 100 premiers jours succédant à la conquête du pouvoir. Car, c’est à cela que servent les partis politiques : CONQUÉRIR LE POUVOIR et non à faire le travail des associations de défense des droits de l’Homme.

Pour ma part, tout en réitérant ce qui me tient à cœur (cf. infra), je passerais s’il le faut les 10 ou 15 prochaines années de ma vie à soutenir toute personne ou rassemblement qui saurait promettre et défendre pour de longues années un projet s’engageant à réaliser les réformes ici-bas. Mais surtout s’engager à les réaliser durant les 100 premiers jours de son accession au pouvoir. Qu’il/qu’elle le fasse en invitant les Tunisiens avec cette insistance si démocratique que j’ai retrouvée dans le communiqué d’A. Brahim précédant les élections présidentielles, et je n’épargnerais alors aucun effort (15). Que leurs auteurs s’appellent Jribi, Marzouki, Ettajdid, PDP, Ben Hassine ou Brahim… peut m’importe. Ce qui m’importe c’est que la dictature périsse. Sinon pour moi, tout du moins pour mes enfants.

Pour clore ce long article, voici, et en ce qui me concerne, les propositions que je souhaiterais lire et qui sont susceptibles de me faire rêver à ces 100 premiers jours d’un gouvernement d’alternance.

1.- La description des mécanismes qui assurent l’indépendance réelle du pouvoir judiciaire. Des propositions détaillées également pour émanciper le Conseil supérieur de la magistrature afin de reléguer le cadre actuel qui fait que, hormis deux juges élus par leurs pairs, l’actuel CSM ressemble plus à une antichambre du palais présidentiel qu’à autre chose. Et à ce propos, pourquoi pas des propositions dans le sens d’une élection de l’intégralité des membres du CSM par les magistrats eux-mêmes ?

2.- Un Conseil constitutionnel dont la nomination des membres ne dépendrait plus si étroitement ni de l’exécutif ni du chef de l’Etat. Et si l’on écarte le mimétisme ridicule des régimes occidentaux, il n’y a pas d’obstacle à ce que la nomination des membres du Conseil constitutionnel puisse relever d’une procédure élective. De surcroît, envisager un Conseil constitutionnel pouvant être saisi par voie d’action lors de la procédure législative et par voie d’exception, pour les lois déjà votées. Et ce afin d’écarter progressivement l’application de tout un arsenal répressif accumulé sur des décennies aux mépris des droits fondamentaux. Enfin, un Conseil avec une compétence élargie à toutes les lois quelles que soient leurs natures.

3.– La limitation des mandats présidentiels. Et en l’état actuel des velléités des “ogres tyranniques” pourquoi ne pas aller encore plus loin et proposer de limiter les candidatures à un mandat unique de 5 ans. Une limite qui réduit les risques des glissements vers le despotisme. N’est-ce pas ces glissements que la Tunisie a connus tant avec Bourguiba qu’avec Ben Ali. Alors pourquoi laisser la porte ouverte au suivant ? Et est-ce que les inconvénients d’un mandat unique de 5 ans font réellement le poids face aux risques despotiques que nous avons connus et que nous connaissons encore ? Et face à la situation exceptionnelle en matière de risque d’accaparement du pouvoir, pourquoi (même symboliquement) ne pas songer à inclure dans le libellé du serment présidentiel « que rien ne sera entrepris pour contourner cette limitation » ? C’est bien de dénoncer la confiscation du pouvoir par Ben Ali, mais il serait encore plus utile de la part de celui qui aspire à le remplacer de proposer des éléments concrets pour que cela ne soit plus envisageable par tous ceux qui « goûteront » au pouvoir suprême et chercheront à le prolonger.

4.- La soumission du président de la République à la loi comme tous les citoyens, soit par une procédure spéciale durant son mandat soit/et par la procédure de droit commun après la fin de son mandat.

5.- La clarification des positions vis-à-vis de la Chambre des conseillers qui est une insulte permanente à la souveraineté populaire et à la démocratie.

6.- La soumission du chef de l’exécutif à une véritable responsabilité politique. En d’autres termes, soumettre le réel auteur de la politique nationale à une responsabilité politique devant la Chambre des députés et non de son “fusible”, un premier ministre fantoche. N’était-ce pas la solution adoptée par la Tunisie depuis 1976, et ce, jusqu’à l’arrivée de Ben Ali qui a supprimé ce schéma de la Constitution dès 1988 ? (Un mécanisme qui, bien que trop rigide, avait au moins le mérite d’exister).

7.- La soumission de tous les actes réglementaires du gouvernement, président de la République compris, au contrôle de la juridiction administrative.

8.- L’élection des gouverneurs de région (Wali) par les maires et les conseillers municipaux. Les gouverneurs devant être les représentants de la loi républicaine et de leurs électeurs et surtout pas des intérêts patrimoniaux de certaines familles, ni des intérêts du parti politique au pouvoir.

9.- Le renforcement substantiel des mécanismes de l’immunité parlementaire pour que l’opposition parlementaire ne relève plus du rôle guignolesque qu’elle a. Et pour éviter que les députés ne deviennent juges et parties, conférer le pouvoir de lever cette immunité à la fois au Conseil supérieur de la magistrature, au Conseil constitutionnel et à la Chambre des députés. Lequel acte devant être motivé et rendu public.

10.- La question de la neutralité des financements publics tant pour les partis politiques que pour les associations reconnues d’utilité publique.

11.- Des propositions concrètes et détaillées pour que les discours qui stigmatisent le monopole actuel d’Etat -de fait- en matière de médias audiovisuels, ne soient pas de simples manœuvres pour prendre la place des despotes actuels afin de perpétuer les mêmes pratiques. C’est bien de dénoncer la situation présente, mais encore faut-il proposer de nouveaux schémas instituant des organes de régulation indépendants du pouvoir politique pour le contrôle, a posteriori, des contenus et l’octroi des fréquences.

 

A défaut d’obtenir satisfaction sur de telles propositions, je continuerai à faire errer mon clavier sur les questions relatives aux droits fondamentaux. Préférant, tant sur Nawaat que sur mon blog, relayer les communiqués et les papiers traitant de ce sujet, que de perdre du temps sur lesdits communiqués pouilleux. Et je crois qu’il est nettement plus utile de relayer des blogueurs dont le langage est plus proche des Tunisiens, que les motions “politiques”, avec le temps devenues si lassantes !

Astrubal, le 5 mai 2010
http://astrubal.nawaat.org
Enseignant universitaire

Co-administrateur de Nawaat.org


(1) – Cf. Astrubal : « Quelques commentaires à chaud à propos de l’interview de M. Bouchiha sur Canal du Dialogue tunisien ».

(2) – Cf. Organisation Mondiale Contre la Torture : “Note sur le suivi de la mise en œuvre des recommandations du comité des droits de l’Homme par la Tunisie.
Genève-Tunis, août 2009, p. 5 et 6.
http://www.omct.org/pdf/UNTB/2009/HRC_Tunisie_Note_suivi_recom_OMCT-ALTT_0809.pdf
Ce document est illégalement bloqué en Tunisie, comme l’ensemble du site de l’OMCT.

(3) – Cf. – Tribunal correctionnel de Kairouan, 24 décembre 1987, affaire n° 51883.
- Cour d’appel de Sousse, 11 avril 1988, affaire n° 58519.

(4) – Cour de Cassation, 1er juin 1988, affaire n° 27971 (ici pour lire l’intégralité de l’arrêt).

(5) – Rafâa Ben Achour (frère de l’un des démissionnaires) précisera ultérieurement à propos de ces démissions, que le Conseil constitutionnel, malgré la résistance des deux membres, a octroyé son visa à la loi organique 2 avril 1992 malgré son inconstitutionnalité flagrante. Ceci a eu lieu lors « d’une séance à laquelle n’ont pas pris part les membres soutenant l’inconstitutionnalité du projet et qui fut convoquée par le président du Conseil dans des conditions douteuses ». Refusant de cautionner une telle attitude «[et] en guise de protestation contre cette loi et contre les conditions de convocation de la séance au cours de laquelle le Conseil a rendu son avis [...], [les] membres ont décidé de démissionner ».

Cf. Rafâa Ben Achour : « Tunisie : Les hésitations du Conseil Constitutionnel tunisien ». p. 669 et 670. In Annuaire international de justice constitutionnelle. Chroniques Maghreb (Algérie, Maroc, Tunisie). vol. VIII, 1992, p. 659 à 670. Paris, Économica, 1994.

(6) – Cf. Astrubal : « Tunisie, le scandale de la 403 maquillée en 404 ».

http://astrubal.nawaat.org/2006/06/12/tunisie-le-scandale-de-la-403-maquillee-en-404/

(7) – Mise à jour de dernière minute. Dans cet article je cite fréquemment le blocage du site pdpinfo.org parce que son cas est emblématique. Or, depuis quelques jours, le site d’Attariq.org, organe du parti Attariq Aljadid, subit le même sort. Il va de soi que ce qui est valable pour le PDPinfo.org, l’est aussi pour Attariq.org.

(8) – Cf. Mohamed Goumani, Fethi Touzri, Jilani Abdelli et Habib Bouajila : « La Réforme politique en Tunisie, entre la tentation autoritaire et l’exigence démocratique. ». Voir également l’interview sur le quotidien Le Temps du 24 décembre 2007 p.4

(9) – De mon point de vue, l’attitude du PDP ainsi que celles des autres partis de l’opposition démocratique sont bien en deçà de ce que devraient exiger les pratiques particulièrement restrictives qu’ils subissent au mépris de la loi.

(10) – Dans pratiquement tous ses discours, Ben Ali ne rate aucune occasion pour rappeler, à raison d’ailleurs, qu’en matière d’application de la loi, il sera intransigeant et, a fortiori, quand celle-ci est violée. En revanche, dès que l’on passe au volet de la pratique, on s’aperçoit qu’il s’agit en fait d’une intransigeance selon ses propres convenances, lorsque la loi n’est pas tout simplement violée sous son couvert. En somme, l’intransigeance de Ben Ali s’apparente davantage à un hommage du vice à la vertu.

(11) – Quant à vouloir « tout, tout de suite », on devrait, justement, tous s’y mettre afin que le cadre républicain soit effectif. Par ailleurs, que tous ceux privés de leurs passeports, les obtiennent tout de suite ; que les exilés soient en mesure de rentrer dans leur pays, que les blocages illégaux des sites internet soient levés, que les auteurs d’actes de torture soient poursuivis et leurs victimes ainsi que leurs familles indemnisées, que la liberté d’association soit enfin honorée (LTDH, ALTT, CNLT etc.), que les délais de la garde à vue soient respectés, etc.

(12) – Ainsi que je l’avais signalé déjà « parce qu’il n’appartient à personne de faire l’apologie de la violence et parce que, ne serait-ce que pour se conformer aux dispositions des conventions internationales ratifiées, il est de l’obligation de l’Etat Tunisien et de sa justice d’intervenir systématiquement pour faire cesser, d’une part, tout acte de violence, et d’autre part, de prévoir des mécanismes permettant à toute victime de poursuivre son agresseur. Les violences par le verbe et par le mot n’ont jamais dérogé à ces principes énoncés. Présentées ainsi, et parce que ces garanties judiciaires, de par leurs fondements, s’avèrent tellement évidentes, il est donc vain de discuter si la censure peut être légalisée ou pas. La question ne se pose même pas. Et c’est d’autant plus absurde, qu’il n’existe aucun pays au monde ne prévoyant de possibilité de recours à ses citoyens contre la diffamation, les outrages et autres agressions de ce type. Et la Tunisie n’y déroge pas. »

Cf. Astrubal : « Tunisie Censure : De la sanction collective à la sanction judiciaire ».

(13) – Cf. entre autres :
- TA. Req. n°18454 du 16 février 2002, Essaidi C./ Municipalité de Rades ;
- TA. Req. n°19620 du 17 janvier 2004, Bouzened C./ Ministre de l’Intérieur.

(14) – C’est absurde… parce que, dans ce cas, l’exigence d’intégrité du juge est matériellement impossible à réaliser. Elle est impossible à réaliser parce que ce juge, outre les mécanismes institutionnels, s’il ne bénéficie pas également de la vigilance et du soutien populaire, n’a pas de recours contre la tyrannie de son “employeur-despote”. Au meilleur des cas, s’il déçoit, il sera viré et remplacé par un autre juge qui aura un sens plus aigu de la reconnaissance du ventre. Et lequel nouveau juge n’aura, sans doute, aucun scrupule à broyer son collègue intègre qui a eu le tort d’être un “ingrat”. L’ancien juge Mokhtar Yahyaoui en sait sûrement quelque chose…

(15) – Au passage, et tel que mentionné, le discours direct d’ A Brahim est inédit dans les annales électorales tunisiennes. Du reste, ce que je trouve particulièrement agaçant au sein de la classe politique tunisienne, c’est cette allergie qui doit sûrement leur écorcher la gorge si jamais ils se mettaient à solliciter d’une façon franche et directe la confiance des Tunisiens. C’est à croire que les mots comme « SVP, j’ai besoin de vous, j’ai besoin de votre soutien, rejoignez-moi, aidons-nous les uns les autres pour réaliser tel projet » doit leur faire pousser des boutons de fièvre.

 

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Ben Ali’s Conception of video-sharing websites

Blocking pages are authentic (April 22nd 2010). Barbed wires are added.

[en] – These video sharing websites are illegaly blocked in Tunisia (no judicial decision has ordered them). This is done by violating, inter alia, the article 8 of the tunisian Constitution and article 19 of the Universal Declaration of Human Rights.

[fr] – Ces sites de partage vidéo sont illégalement bloqués en Tunisie (aucune décision de justice ne les a ordonnés). Ces blocages ont lieu en violation, entre autres, de l’article 8 de la Constitution tunisienne et de l’article 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.

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« Censuré pour censuré », désormais Nawaat bloque la police de l’internet

Qui presse “le bouton”, quelle administration et à partir de quels locaux sont exercés les blocages illégaux des sites internet en Tunisie ? Personne ne le sait !
Manifestement, depuis près de vingt ans, il s’agit de l’un des secrets les mieux gardés de Tunisie. Que cette censure soit exercée par un “fantôme hors la loi”, ne nous empêche pas de relever qu’il agit objectivement sous couvert du premier responsable du pays, c’est-à-dire le président de la République. Institutionnellement, il ne peut en être autrement. De par les pouvoirs que lui confère la Constitution tunisienne, le président est le responsable de cet internet illégalement cadenassé empoisonnant la vie des Tunisiens. Le président de la République peut affirmer ce qu’il veut, nos institutions, quand bien même malmenées, sont ainsi faites.

 
Cela étant précisé, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’entre les redirections d’URL, le « Decadent Packet Intrusion »(1) et le blocage des sites internet, la censure tunisienne ne cesse, en effet, d’empoisonner la vie de ses ressortissants (2). Et les blogs, tel Nawaat.org, qui protestent et dénoncent les violations des lois de la République finissent tous, un jour ou l’autre, sur la liste du censeur.
Qu’à cela ne tienne ! Aujourd’hui, nous allons nous offrir sur Nawaat.org le malin plaisir de rendre à la censure la monnaie de sa pièce.

 

I. D’abord un rappel succinct des procédés de blocage utilisés par la censure tunisienne.

 
L’observation des différents degrés de blocage pratiqué en Tunisie permet d’identifier quatre procédés mis en œuvre par la police tunisienne de l’internet. Ces quatre niveaux s’échelonnent du blocage partiel au blocage total (débordant même la sphère du nom de domaine du site bloqué). Et Nawaat.org fait partie de ceux frappés par le blocage le plus sévère.

 
Voici les différents procédés utilisés :

 
1 - Le blocage sélectif par URL, tel par exemple le cas de Wikipedia. En effet, plutôt que de bloquer la totalité de l’encyclopédie online, on bloque sélectivement les pages les plus embêtantes. C’est ce qu’il en est de la page française relative à la biographie de Ben Ali ou de celle relative à la pratique de la censure en Tunisie. Idem pour le site Google vidéo. Si la majorité des vidéos demeurent accessibles, quelques-unes, en revanche, sont bloquées. La vidéo relative aux déplacements douteux de l’avion présidentiel est bloquée. Celle portant sur l’impunité de la pratique de la torture en Tunisie, telle que décrite par l’avocate Radhia Nasraoui à l’université américaine Georgetown est inaccessible aux Tunisiens. Au passage, les deux vidéos ont été postées sur Google vidéo par nawaat.org.

 
2. - Au deuxième cran, le censeur tunisien passe au blocage du site en bannissant le nom de domaine et le sous-domaine qui lui est rattaché. C’est le procédé le plus couramment mis en œuvre, notamment pour sanctionner les blogueurs Tunisiens émettant des opinions déplaisantes tel le blog du journaliste tunisien Zied el Hani. Ce qui d’ailleurs provoque parfois un jeu d’usure entre les blogueurs et la censure par l’entremise de la création successive de nouveaux sous-domaines neutralisés, de sitôt, par la police de l’internet.

 
3. - Avec le cran au dessus, c’est le blocage total de la DNS, quel que soit le sous-domaine utilisé, c’est le cas de youtube.com, dailymotion.com, pdpinfo.org, tunisiawatch.com et de tant d’autres.

 
4.- En dernier lieu, on pratique, pour les plus récalcitrants, le blocage radical par DNS et par mot clé contenu dans l’URL. Ainsi est-il de Tunisnews.net ou de Nawaat.org. Avec cette dernière procédure, toute URL contenant la chaîne de caractères « nawaat », et quel que soit le nom de domaine, est systématiquement bloquée. La technique du mot clé au sein de l’URL cherche ainsi à bloquer la moindre bribe d’information qui pourrait s’afficher sur l’écran du Tunisien. Le blocage par mot clé « nawaat » fait aboutir toute recherche sur Google sur une page 404. Ce lien sur Google, par exemple, irrite les filtres de la censure. Tant qu’à faire, inutile de laisser apparaître sur les pages de résultat ne serait-ce que les titres des articles publiés sur notre blog. Par ailleurs, le mot-clé au niveau de l’URL bloque toute image en rapport avec nawaat, y compris lorsqu’elle est hébergée sur les serveurs de Google image. Cette procédure de filtrage engendre également le blocage de tous les autres supports du web social utilisés par Nawaat.org, dès lors que l’URL contient la chaîne « nawaat ». Ainsi, « twitter.com/nawaat », « blip.tv/nawaat », « flickr.com/photos/nawaat/ », « facebook.com/pages/wwwnawaatorg/186352466213 » ne risquent pas d’être vus en Tunisie. Pareillement, la chaîne de caractères “Tunisnews” produit les mêmes effets. A noter que le bocage par mot clé peut également contenir l’intégralité du domaine et sous-domaine bloqué. Il en est ainsi d’”advocacy.globalvoicesonline.org“. La même chaîne est bloquée aussi bien en tant que DNS qu’en tant que mot clé. Ce lien, portant sur une requête via google par exemple, est bloqué en Tunsie.

 

Nawaat-censure-par-mot-cle-image-google-small.png
En jaune, le cache des images de Nawaat bloqué sur les serveurs de Google.
Le mot clé « nawaat » au sein des URL des images bloque leurs chargements en Tunisie.
Cliquez pour agrandir


 
Outre le blocage de Nawaat.org, c’est toute la sphère de ses animateurs qui est également visée. Mon blog personnel, celui de mes amis de nawaat Malek et Sami Ben Gharbia ainsi que les autres sites collectifs que nous administrons (Yezzi.org, Cybversion.org) subissent aussi cette censure hors la loi.

 
Pourtant, apparemment « Ammar 404 » (nom communément donné au censeur tunisien par les internautes Tunisiens) a pris soin de ne pas bloquer toutes les IPs. En effet, tant sur Nawaat que sur nos autres blogs, des IPs tunisiennes, sans proxy, parviennent quand même à se connecter.

 

II.- Tant qu’à faire, autant leur « rendre la monnaie de leur pièce » !

 

Astrubal's Lite IP FIlter


 
Il y a 9 mois, j’ai développé un filtre PHP (Lite IP FIlter) destiné, entre autres, à isoler dans un log ad hoc toutes les IPs tunisiennes qui se connectent sur nos blogs (celui de nawaat.org, de Sami (kitab.nl) et le mien). Contrairement au log du serveur apache, ce script PHP détecte également les connexions derrière les proxies (proxies qui ne sont pas totalement opaques). Et le résultat est plus qu’éloquent : rien que sur nawaat.org, sur les neuf derniers mois, des milliers de connexions provenant de la Tunisie ont pu avoir lieu sans proxy.

 
Il convient, ici, de préciser la chose suivante : toutes les connexions provenant de la Tunisie et utilisant un proxy à la fois crypté et anonyme ne sont pas répertoriées. La provenance tunisienne de telles connexions est indétectable. Quant aux tentatives de connexion avec des proxies non cryptés, elle n’arrive tout simplement pas sur nawaat, puisque le filtre de la censure tunisienne bloque toute connexion avec le mot clé non crypté “nawaat“.

 
- Ainsi, qui peut bien se connecter sur Nawaat sans utiliser de proxy ?

 
- Comment peut-on contourner une procédure de blocage centralisée pour se connecter sur nawaat sans proxy (3) ?

 
- Comment peut-on contourner la censure sans un routage spécifique pour certaines classes/sous-classes IP ou sans un paramétrage spécifique d’exclusion de certaines IP  ?

 
Deux explications possibles : soit il s’agit d’un dysfonctionnement de la police de l’internet, soit c’est la police de l’internet, elle-même, qui s’est réservée une marge de manœuvre pour venir « s’informer » sur Nawaat.

 
S’agissant de l’hypothèse du dysfonctionnement, cela me semble hautement improbable, tant la procédure de blocage est, dans son principe, d’une simplicité enfantine quel que soit le firewall utilisé.

 
Du reste, et pour l’exemple, chaque abonné à l’ADSL dispose d’outils analogues à ceux de la censure pour procéder à des blocages. Outils, certes, calibrés pour son routeur domestique, néanmoins avec le même principe de fonctionnement, quel que soit le degré de sophistication de son firewall. En somme, ajouter une ligne à la base de données d’une “usine à gaz” à censure ou le faire sur le routeur ADSL, la procédure est quasi similaire.

 

 

router-url-blocking.png
Blocage d’URL via le routeur de monsieur “tout le monde”

 

 
L’hypothèse d’un dysfonctionnement étant à écarter, tant cela parait aberrant, il ne reste plus qu’à envisager qu’il s’agisse de la police de l’internet et assimilé (4) qui nous rendent visite fréquemment. Dès lors, « censuré pour censuré », autant bloquer sur Nawaat la police de l’internet, en bloquant l’intégralité des IPs qui se connectent, à partir de la Tunisie, sans proxies.

 
En censurant nos blogs, sans doute que le censeur Tunisien réussit à bloquer une partie de nos lecteurs. Pour d’autres, en revanche, il ne fait qu’empoisonner leurs vies en les forçant à passer par des proxies. Alors, pourquoi ne pas faire subir à ce censeur ce qu’il fait subir aux autres Tunisiens ? En d’autres termes, à partir d’aujourd’hui, lui aussi devra passer par un proxy s’il désire accéder au blog de Nawaat, et il faudrait qu’il se trouve un proxy qu’il n’a pas lui-même bloqué. Il est important de signaler ici que ce blocage ne change strictement rien pour nos visiteurs qui passent déjà par des proxies pour nous lire.

 

animated-IP-filter.gif

 
Avec le script « Lite IP Filter », le même que j’utilise sur mon blog et sur les blogs gérés par nawaat.org, tous les censurés du monde -hébergeant eux-mêmes leurs blogs- peuvent faire de même, en bloquant la police de l’internet de leurs pays. Et pour rendre encore l’utilisation de « Lite IP Filter » plus aisée, Nawaat.org met également à disposition un utilitaire que j’ai développé, « IP Range Tool », permettant, en deux clics, d’extraire les plages IP à filtrer de n’importe quel pays pour les inclure par simple copier-coller. « IP Range Tool » est un utilitaire Mac, Windows et Linux de gestion des plages IP incluant la base de données IP mondiale (pour plus de détails sur le fonctionnement de « Lite IP Filter » et d’ « IP Range Tool » ainsi que pour les liens de téléchargement, voir sur ce lien).

 

ipRangeTool-Small.png
Ip Range Tool, pour obtenir instantanément les IPs de tout pays.


 
Alors si vous êtes Chinois, Syrien, Libyen, Saoudien, Birman, Tunisien, Iranien, etc., et que votre blog fait partie de ceux qui ont été “honorés” par la censure de votre pays, n’hésitez pas, à votre tour, à leur barrer l’accès à votre site. A noter que l’installation de « Lite IP Filter » peut se faire uniquement pour contrôler étroitement certaines plages IP sans nécessairement activer l’option de blocage.

 
En tout cas, dès aujourd’hui, sur Nawaat.org, mon blog et prochainement sur le nouveau blog de Sami (5), la police tunisienne de l’internet est bloquée, sauf à passer par un proxy qu’elle n’a pas elle-même bloqué. Sans proxy, c’est une page avec l’image suivante qui s’affichera ; y compris lorsque c’est le président de la République qui se connecte sur Nawaat. S’il veut nous lire à partir d’une connexion ADSL banalisée, qu’il fasse comme ses compatriotes : trouver un proxy crypté.

 

forbidden-image-article.jpg

Le barbelé… c’est le même que nous envoie “Ammar 404″ en verrouillant le net tunisien.


 
Si un de nos lecteurs « légitimes », par un aberrant dysfonctionnement de la censure, a pu jusqu’à présent passer à travers les mailles du filet des censeurs Tunisiens, qu’à cela ne tienne, qu’il nous contacte, et on fera le nécessaire pour qu’il continue à nous lire comme il l’a toujours fait.

 
Astrubal, le 26 février 2010
http://astrubal.nawaat.org/
www.nawaat.org
astrubal@gmail.com
contact@nawaat.org

 
P.-S. Pour des raisons indépendantes de ma volonté, il se pourrait que je tarde à répondre à d’éventuels commentaires. Pardon et merci pour la compréhension.

 

 



(1) - L’expression « Decadent Packet Intrusion » (intrusion décadente à nos paquets IP) est ici utilisée en lieu et place de « Deep Packet Inspection » pour laquelle j’éprouve de nombreuses réserves. J’aurai l’occasion prochainement de m’exprimer sur ce même sujet.

 
(2) – Difficile de supporter en effet tous ces liens en complément d’information proposés sur des millions de sites et pointant sur une fausse page 404. Les documents vidéo sur Youtube pour ne citer que celui-là, telles les conférences, colloques, documents scientifiques, informatifs, culturels, etc. sont interdits aux Tunisiens. Le site au milliard de vidéos téléchargées quotidiennement demeure désespérément clos. Certes, pour les plus téméraires et les plus patients, des proxies existent. Mais essayez de regarder via un proxy une conférence de 50 minutes que vous êtes tenu de voir pour des raisons professionnelles … ! Dès la 1 minute, vous allez vous mettre à maudire le « grand ordonnateur » de ce blocage hors la loi, d’une façon inversement proportionnelle au débit du téléchargement de la vidéo.

 
Pour un récapitulatif sur la censure en Tunisie, voir notamment l’excellente synthèse de Sami Ben Gharbia « Silencing online speech in Tunisia » sur Nawaat ou sur Global Voices Advocacy. Pour la version française, voir sur ce lien.

 
Pour une description de ce que certains Tunisiens subissent en matière de violation de leurs boîtes mail, voir la très pertinente enquête de Malek Khadhraoui « Tunisie : Operation main basse sur les emails ». A ce jour, tout rapport d’ONG confondu, il s’agit de l’article le plus documenté relatif au détournement des mails des citoyens Tunisiens (témoignages et copies d’écran à l’appui). Voir sur le blog de Malek ou sur Nawaat.org

 
(3) – La sévérité du procédé utilisé pour bloquer Nawaat.org tend manifestement à indiquer que ce type de blocage relève d’un processus centralisé.

 
(4) – Par “assimilé”, j’entends services de renseignement, hauts fonctionnaires bénéficiant d’un routage internet spécifique, cabinet présidentiel également (car je doute fort qu’avec la paranoïa de Ben Ali, celui-ci ait une liaison internet empruntant le même “trajet” que les autres services gouvernementaux).

 
(5) - Depuis peu, à force de censure et de hacking, l’ami Sami Ben Gharbia est un « SDF » des blogs. Lassé par autant d’attaques, il est temporairement sur une solution d’hébergement sans accès FTP.

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Deux outils pour les webmasters censurés, notamment pour bloquer la police de l’internet



  • Lite IP Filter  :   un script php de filtrage d’IP.

  • IP Range Tool  : un utilitaire Mac, Windows et Linux de gestion des plages IP
                                   incluant la base de données IP mondiale (en offline).

Voir plus bas pour les liens de téléchargement

- A quoi sert “Lite IP Filter” ?

“Lite IP Filter” est un script php qui permet de monitorer, voire de bloquer des plages entières d’IP, sans le recours à un serveur de base de données. Le script permet également de détecter les IP derrière un proxy, pour peu que ledit proxy ne soit pas totalement opaque.

- Pourquoi “Lite IP Filter” ?

De nombreux cas de figure peuvent nécessiter l’utilisation de “Lite IP Filter”, notamment :

- Si on est mal à l’aise avec le fichier .htaccess (ou ne pas y avoir accès du tout), “Lite IP Filter” permet de bloquer les plages IP des spammeurs et de ceux qui, de façon répétitive, abusent du blog.

- On peut avoir un blog, mais ne pas avoir accès au log du serveur web, dans ce cas, on peut utiliser “Lite IP Filter” pour loguer toutes les visites en résumant l’internet à une seule plage IP “0.0.0.0 255.255.255.255″. Dans ce cas de figure, il ne faut pas -évidemment- activer les options de blocage d’accès.

- On peut également, pour des raisons tout à fait légitimes, bloquer l’accès au blog à l’ensemble d’un ou plusieurs pays. Et ce script a été précisément développé pour bloquer l’accès à mon blog (astrubal.nawaat.org), celui de mon ami Sami Ben Gharbia et ceux de Nawaat.org à la police tunisienne de l’internet. Ces blogs étant censurés en Tunisie, les seules IP qui y accèdent sont en théorie celles des bureaucrates de la censure. Alors “censurés pour censurés” en Tunisie, autant bloquer l’accès à toutes les IP tunisiennes qui se connectent sans proxy. Alors si vous êtes Chinois, Syrien, Libyen Saoudien, Birman, Tunisien etc., et que votre blog fait partie de ceux qui ont été “honorés” par la censure de votre pays, n’hésitez pas, à votre tour, à leur bloquer l’accès à votre site (pour plus de détails sur la logique de ce blocage, voir cet article sur nawaat.org). Et c’est d’autant plus facile avec le second utilitaire IP Range Tool qui permet, en deux clics, d’extraire les plages IP à filtrer de n’importe quel pays pour les inclure dans Lite IP Filter (cf. infra).

animated-IP-filter.gif

- Installation du script

Après téléchargement de “Lite-ip-filter_1.0.zip”, décompressez puis uploadez le dossier “Lite-ip-filter” à la racine de votre dossier web (ne pas confondre avec la racine de votre compte chez l’hébergeur).

Si, chez l’hébergeur, la racine du dossier web est 

“/home/subfolder/WhatEver/www/MonDomaine.org/”

alors le dossier “Lite-ip-filter” devrait être placé dans le dossier “MonDomaine.org“.

Et quand bien même votre blog pourrait être servi à partir d’un sous-dossier de la racine web, tel par exemple :

http://www.MonDomaine.org/monblog/index.php“,

le dossier “Lite-ip-filter” devra toujours être placé à la racine web, c’est-à-dire, comme indiqué, dans le dossier “MonDomaine.org“.

Pour éviter que les fichiers log “ip-filter-log.txt” et “RawReq-log.txt” ne soient accessibles via un navigateur web, il est impératif de leur attribuer un chmod de “600″.

Ensuite, pour activer le filtrage, insérez tout en haut de la page de chargement du blog les deux lignes suivantes (juste après le “<?php”) :


$IpfilterPathfile=$_SERVER['DOCUMENT_ROOT'].”/Lite-ip-filter/Lite-ip-filter.php”;
if (file_exists($IpfilterPathfile)){require_once($IpfilterPathfile);}

Pour l’exemple, si votre blog est sous WordPress, insérez les deux lignes en haut du fichier “wp-blog-header.php” (ce fichier contient le module commun de chargement). Les deux lignes doivent être impérativement les premières (après le “<?php”). A noter qu’après chaque mise à jour de WordPress, ces deux lignes doivent être réinsérées (et ce en attendant la création d’un plugin spécialement dédié).

Si votre site est géré par un autre CMS n’ayant pas un module commun de chargement, il faudra alors insérer les deux lignes sur chaque template php (index.php, article.php, rubrique.php, printer.php, etc.).

- Paramétrage des options du script

Les options sont configurable au sein du fichier “Lite-ip-filter.php“ :

1- Par defaut “Lite-ip-filter.php” ne bloque aucun visiteur, il logue uniquement les iPs contenues dans les plages IP. Le format du log est le suivant :

    IP visiteur => IP Proxy => Date => Page demandée => Provenance => Navigateur

Pour bloquer l’accès au site, modifiez l’option $DenyIpAccess en lui attribuant la valeur “true“.

2- Pour gérer les connexions derrière les proxies, gardez l’option $DetectBehindProxy avec sa valeur “true“. Inversement, avec “false” les IP derrière les proxies ne seront pas detectées.

3- Si l’option $DenyIpAccessBehindProxy=true; alors les IP derrière les proxies (collant aux plages IP) seront rejetées.

4- L’option $ExtendedLog génère un log supplémentaire (RawReq-log.txt) avec davantage d’informations sur la provenance du visiteur. Pour activer cette option, attribuez-lui la valeur “true“.

- Comment paramétrer la liste des IP à filtrer ?

Les IP sont insérées sous forme de plages IP au format décimal au sein de la variable de type array $DecimalIpRanges. Le format de l’array doit respecter ces deux conditions:

1- Les deux valeurs de chaque plage IP (au format décimal) doivent être séparées par un seul espace. Le script ayant été écrit pour une exécution la plus rapide possible, il fait l’impasse sur la vérification d’un défaut de formatage. Cette vérification est censée avoir été faite par l’utilisateur lors de l’insertion des plages IP.
2- Les plages IP doivent être classées par ordre croissant.


Exemple (cf. illustrations plus bas) :

$DecimalIpRanges= array(
“702545920 703070207″, // 41.224.0.0 41.231.255.255
“1347754952 1347754959″, // 80.85.27.200 80.85.27.207
“1361036248 1361036251″, // 81.31.195.216 81.31.195.219
);

Le code de “Lite IP Filter” a été conçu pour une exécution très rapide, y compris pour filtrer des milliers de plages IP (soit potentiellement des centaines de millions d’IP) sans le recours à une base de données. Aussi, est-il capital que l’array $DecimalIpRanges soit préalablement trié par ordre croissant.

- Où trouver les IPs à filtrer et comment les formater correctement ?

Pour faciliter l’usage de “Lite IP Filter”, j’ai également développé un utilitaire baptisé “IP Range Tool” (Mac, Windows et Linux) contenant la base de données de l’intégralité des IP assignées par les 5 organismes officiels (Afrinic, Apnic, Arin, Iana, Lacnic, Ripencc), soit tout l’internet en IPv4.

IP Range Tool permet d’obtenir les plages IP de tout pays par simple clic, y compris dans leur format décimal, triées par ordre croissant et prêtes à être insérées dans le script php. Au-delà des besoins de “Lite IP Filter”, le logiciel “IP Range Tool” permet également des choses bien sympathiques telles que, entre autres, la création de listes de plages IP au format CIDR (slashé) destinées plutôt à un usage au sein du fichier .htaccess, tout comme une présentation synthétique de l’état de l’internet mondial par tête d’habitant et par pays.


IP Range Tool main window
Lancez le logiciel IP Range Tool, puis faites en sorte que
la case à cocher “Disable decimal conversion” soit décochée.
Cliquez ensuite sur le pays de votre choix… Pour l’illustration, on va choisir la Tunisie.





IP Range Tool getting country IP
Copiez les plages IP au format décimal qui apparaissent à droite.
(Pour copier, utilisez le bouton droit de la souris ou, alternativement,
le bouton en haut à droite “Copy all converted IPs“).


Allez ensuite sur le script Lite-ip-filter.php et collez le résultat entre

les deux parenthèses “( )” de l’array $DecimalIpRanges.

Le logiciel “IP Range Tool” permet, par ailleurs, de dresser une liste de plages IP de plusieurs pays à la fois, tout comme de convertir des plages de différents formats insérées par l’utilisateur.

IP Range Tool Search by ISO Code
Pour obtenir une liste de plages IP de différents pays, utilisez le menu Tool>Search by ISO Code…
Puis saisir les codes ISO des pays désirés.

IP Range Tool Batch converter

Accessoirement, pour convertir des listes de plages de différents formats, cliquez sur le menu “Tool>Batch converter…”

Une nouvelle fenêtre s’ouvrira, offrant le moyen de convertir les plages IP selon le format désiré.




IP Range Tool Single converter

Pour gérer individuellement des conversions, n’hésitez pas à cliquer sur le menu “Tool>Single converter…”


LiteIpFilterDownload.jpg

1 - Pour télécharger “Lite IP Filter” (le script php de filtrage d’IP) : Lite-ip-filter_1.0.zip (zip).

IP-rangetool-download.jpg

2 - Pour télécharger “IP Range Tool“, l’utilitaire Mac Windows et Linux de gestion des plages IP :


IP Range Tool 1.0 Windows (2000/XP/VISTA/7) (zip)

IP Range Tool 1.0 Mac OS X (universal pour 10.4+) (zip)

IP Range Tool 1.0 Linux (x86-based avec GTK+ 2.8+ glibc-2.4,libstdc++.so.6, CUPS) (zip)

S’agissant du logiciel IP Range Tool, après téléchargement, aucune installation n’est à faire… juste dézipper puis lancer IP Range Tool 1.0.exe sur Windows/Linux et IP Range Tool.app sur Mac.

Le cas échéant, pour virer le logiciel, il suffit de glisser le dossier de l’application dans la corbeille.

Astrubal, le 26 février 2010

http://astrubal.nawaat.org/

www.nawaat.org

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“L’art qui ne soulève pas de polémique demeure sans saveur”

 
Lu aujourd’hui sur les colonnes du Temps un article de Hachemi GHACHEM sous le titre “Les arts plastiques s’emmêlent les pinceaux”. En voici un un extrait :

[...] Après la disparition récente de l’un de leur dernier représentant, (Zoubeïr Turki), les peintres de l’Ecole de Tunis, demeurent les plus cotés sur un marché plutôt cloisonné. Car, il ne faut pas nous leurrer : aucun peintre, à mes connaissances ne dépasse les frontières du pays.

Pourquoi cette mainmise de l’Ecole de Tunis sur le marché de l’art tunisien et pourquoi notre peinture reste-t-elle confinée à l’intérieur de nos frontières ?

Malgré l’absence de lien apparent entre ces deux questions, leurs origines sont, en profondeur, les mêmes.
L’Ecole de Tunis s’est imposée par sa prise en main du pouvoir politique de l’époque et s’est rapidement érigée en rempart contre toute forme d’expression « étrangère » ou toute tentative d’insertion qui pouvait nuire à son image et à sa propre perception de l’avenir artistique et culturel du pays.

Cette honorable institution avait pour mission de doter le jeune Etat tunisien de ce qui lui faisait atrocement défaut pour la construction de son identité : un éventail ou une « banque » d’images.
Tâche énorme ; les gains aussi !

 Le résultat, même s’il peut soulever des fois une légère polémique, est loin de pouvoir casser des briques.
Attention, il y eut parmi les membres de cette école, des artistes remarquables mais la démarche, l’approche et le traitement frisent généralement le folklorique ou alors nous avons un produit platement touristique.

Au fil du temps, l’Ecole de Tunis s’avéra ne plus être une institution au service de l’administration de la culture mais elle se métamorphose elle-même, en un pan inébranlable de cette administration.

C’est ce qui explique sûrement la durée de l’Ecole de Tunis dans le temps et par la même explication le peu d’intérêt que le marché de l’Art européen (par exemple), porte à ses œuvres parce que dans les pays du nord, la peinture, la poésie etc…, se font en dehors, des pesanteurs administratives et institutionnelles.

Alors les images d’une Tunisie où les femmes n’ont rien d’autre à faire tout au long de leurs journées, que de se maquiller les yeux au « khol », se larguer au hammam, se « tatouer » au harkous, etc… ne peut intéresser (et encore !) que les gens du pays. Aucune réelle problématique ne peut être soulevée par ces images, édulcorées et l’art qui ne soulève pas de polémique demeure sans saveur [...]

Source : http://www.letemps.com.tn/pop_article.php?ID_art=35374

 

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Du nouveau à propos de Fatma Arabicca…(ce soir 6/11 sur ElJazeera à 22h)

Selon la déclaration de l’avocate de Fatma Arabicca faite à l’instant (ce soir 6/11 sur ElJazeera à 22h), aucune charge n’est encore retenue contre sa cliente, bien que la blogueuse demeure toujours écrouée.

Et, curieusement, face à l’absence de charge, l’avocate semble manquer de punch pour exiger la libération immédiate de sa cliente.

Astrubal
http://astrubal.nawaat.org

 
M-A-J : Leyla Ben Debba avocate de Fatma Riahi alias Fatma Arabicca a annoncé la libération de la blogueuse le 8 novembre au matin.

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Tunisie : En détention depuis 3 jours, la blogueuse tunisienne, Fatma Arabicca, risque 3 ans de prison pour ses activités sur Internet

 


image : http://freearabicca.wordpress.com/

 

La blogueuse tunisienne et professeur de théâtre, Fatma Riahi (34 ans), plus connue en ligne sous le pseudonyme “Arabicca” est en ce moment détenue au poste de police d’El Gorjani depuis le mercredi 4 novembre 2009.

« Elle est soupçonnée d’être la personne qui se cache derrière le blogueur caricaturiste anonyme,Z, du blog Débat Tunisie et fait face à des accusations de diffamation passibles de poursuites pénales pour lesquelles elle risquerait jusqu’à trois ans de prison » nous a confirmé un membre du groupe de soutien de la blogueuse.

Fatma Rihani a d’abord été convoquée à comparaître, le 2 novembre, devant la brigade criminelle pour être interrogée sur ses activités sur internet. Après plusieurs heures d’interrogatoire elle a été relâchée, le soir même, vers 22h.

La blogueuse à été convoquée de nouveau le lendemain pour être accompagnée de trois officiers de polices à son domicile situé à Monastir, une ville côtière à 160 km de la capitale, dans le but de trouver des éléments étayant leurs accusations. Les policiers sont repartis en confisquant son ordinateur.

Une nouvelle perquisition le mercredi 4 novembre permet aux agents de la brigade criminelle de mettre la main sur ses mots de passe et ainsi accéder à son compte Facebook. Ramener dans les locaux de la brigade, elle n’en est plus ressortie depuis.

Selon Global Voices Advocacy « Arabicca s’est vue refuser de rencontrer son avocat, maître Laila Ben Debba, qui n’a pu lui parler que quelques minutes. » Fatma Rihani a entamé aujourd’hui son 3 jours de garde à vue.

A noter que sur le blog Débat Tunisie, que les policiers soupçonnent Arabicca d’animer, une nouvelle caricature a été publié, aujourd’hui 6 novembre, sous le titre “Jacques Doucinaud sauve la Tunisie” en réponse à un article paru dans le quotidien Tunisien, La Presse, le même jour. Chose qu’Arabicca ne pouvait pas faire si elle était réellement derrière ce blog.

Fatma écrivait sur son blog, Fatma Arabicca, qu’elle a supprimé trois jours avant son arrestation. Des blogueurs tunisiens ont depuis lancé le blog Free Arabicca, ainsi qu’une en réaction à cette arrestation et appellent à mener une campagne pour sa libération.

www.nawaat.org

post publié sur Nawaat.org sur ce lien.

 

PS: Pour apporter votre soutien à Arabicca, visitez SVP le blog http://freearabicca.wordpress.com/

 

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Il faudrait peut-être arrêter l’hypocrisie et demander des comptes à qui de droit

En parcourant cet après-midi Tunisnews (n°3284 du 21 mai 2009), je tombe encore sur un de ces articles débordant d’hypocrisie et de mauvaise foi. Le genre d’articles qui reprennent à satiété les tartines du discours officiel tout en faisant mine de pointer les insuffisances du paysage médiatique tunisien :


إن الخطاب الرسمي يحث على أن يذهب الإعلاميون في كتاباتهم إلى أبعد مما هو موجود، وهي دعوة صريحة إلى القطع مع الخوف، وإلى الثقة بالنفس وبقدرة البلاد على أن تُقدم النموذج في الإعلام مثل ما قدمته في الاستقرار السياسي وجودة الحياة وحسن التصرف في المال العام وغيرها.

C’est ce que Mokhtar Dabbabi nous rappelle encore une fois dans son dernier article. En somme, comme si le chef de l’exécutif tunisien, répétant la même litanie depuis plus 10 ans, n’a aucune emprise sur le paysage médiatique de son pays et encore moins sur la chaine nationale Canal 7 ou la TAP … et dont l’indigence du vocabulaire est unique au monde.

 

Outre La Presse, cliquez ici pour afficher l’indigence du vocabulaire de la TAP également


 

 

Tunisie média liberté de la presse
Une illustration de quelques “Unes” d’aujourd’hui…
évidemment le président de la République n’y est pour rien… totalement irresponsable !


 

Que le chef de l’Etat Tunisien – comme dans certains pays démocratiques – n’ait aucune emprise sur des semblants de quotidiens « indépendants » tels Essahafa, Echourouk, et La Presse de Tunisie, je suis disposé à faire semblant d’avaler cette couleuvre. En revanche, si le journaliste Dabbabi, lui, peut songer un instant que c’est également le cas de la TAP, de Canal 7 et du quotidien le Renouveau (organe du RCD), alors pourquoi ne demande-t-il pas carrément la démission du président de la République qui ne préside plus rien du tout ?

Que le chef de l’Etat ne soit pas en mesure d’empêcher Mouldi M’barek d’écrire des âneries (1), qu’il fasse en sorte alors (lui le président du RCD) d’ouvrir largement les colonnes du Renouveau, entre autres, aux rapports de la Cour des comptes balayant lesdites âneries du scribouillard de « La Presse »(2), qu’il initie une réforme en profondeur de la TAP, qu’il ordonne une enquête sur les manquements déontologiques de la même TAP et de Canal 7.

Je ne demande pas à Dabbabi de partager l’opinion que je me fais sur la crédibilité des discours du chef de l’exécutif en matière de liberté de l’information. En revanche je l’invite à arrêter l’hypocrisie pour demander des comptes à qui de droit. Et si en matière d’information, « les employés » journalistes sont toujours aussi mauvais, c’est que peut-être leur employeur y est pour quelque chose.

 
Astrubal, le 22 mai 2009
http://astrubal.nawaat.org
www.nawaat.org



 
(1) – Du genre de cette dernière perle de Mouldi M’barek :

“la Tunisie [… ] occupe, actuellement, une place de choix sur la scène mondiale où elle joue un rôle de premier plan dans la révolution numérique que notre pays a merveilleusement maîtrisée et administrée [...] pour en être, aujourd’hui, acteur à part entière, voire pionnier, pour apporter des solutions pratiques et justes aux évolutions futures de la gouvernance mondiale de l’Internet […]”

(2) – Voilà comment ce qui est qualifié de «merveilleusement maitrisée et administrée» est décrit par la Cour des comptes au travers de l’ATI :

2- Rôle de l’Agence [tunisienne d’internet ATI] en tant qu’opérateur public

L’Agence n’a pas conclu de conventions avec certains fournisseurs de services et n’a pas procédé à la mise à jour des conventions établies avec d’autres.

En outre, le contrôle exercé par l’Agence sur les fournisseurs de services internet se limite à un suivi à distance sans s’assurer de la qualité du service rendu. Ce type de contrôle n’étant assuré par aucun intervenant au niveau du secteur, le Ministère de tutelle est appelé à mieux définir le rôle de chacun des intervenants.

Il est apparu, par ailleurs, que les catégories de services à valeur ajoutée de type internet obtenues par les fournisseurs dans le cadre des autorisations d’exploitation qui leur ont été accordées ne reflètent plus la réalité du secteur de l’internet. Cette situation ne permet pas d’assurer la fourniture d’un service compatible avec le nombre d’accès utilisés et avec la qualité requise.

Concernant la gestion des « domaines internet », il a été constaté l’absence d’un répertoire des sites tunisiens malgré l’accroissement de leur nombre qui a atteint 3964 sites en avril 2007.

3- Rôle de l’Agence tunisienne d’internet dans le développement du secteur

Le projet confié à l’Agence depuis 6 ans pour le développement de la production et de la promotion des sites nationaux sur le réseau internet, n’a pas été concrétisé. En outre, le Programme d’encouragement à la production de contenus, n’a pas connu la réussite escomptée et n’a fait l’objet d’aucun rapport d’évaluation.

4- Les perspectives de l’Agence

L’arrêté du Ministre des communications du 22 mars 1997 a désigné l’Agence tunisienne d’internet comme opérateur public pour les services à valeur ajoutée des télécommunications de type internet sans définir expressément le terme « opérateur public ». L’ATI a été chargée, dans ce cadre, d’accomplir des missions incompatibles avec sa forme juridique.

En outre, l’autorisation accordée à l’ATI pour l’exploitation du nœud d’accès au réseau international d’internet est sans assise juridique depuis 2001. [NDLR : en somme, c'est, entre autres, l'une des merveilles de l'administration de l'internet en Tunisie selon M'brarek].

D’une façon générale, considérant le statut actuel de l’ATI, la redéfinition de ses attributions et le fait qu’elle n’est plus considérée comme entreprise publique suite à la cession par l’Etat d’une partie du capital de Tunisie Telecom, la Cour recommande de repenser la forme juridique de l’Agence et d’adopter celle qui correspond le mieux à la mission qui lui est assignée et de définir clairement ses relations avec tous les intervenants dans le secteur de l’internet.

Source : Cour des comptes, Résumé du vingt troisième rapport annuel, pages 33 et 34.

 

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